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Pacte Professeur: un tournant majeur dans la carrière des professeurs


Le Pacte enseignant, c'est une idée très stratégique, qui impacte de multiples manières le système et crée un point de non retour.

 

Notre analyse porte sur les bénéfices (importants), les risques (majeurs), les contraintes (importantes), les opportunités (importantes).

 

Le Pacte est l'occasion de sortir du statu quo syndical qui perdure depuis le début du XXe siècle. Il est l'occasion de s'aventurer sur d'autres chemins quand on considère "la carrière" d'un professeur.

 

Illustration de LASSERPE

 

LES BENEFICES DU PACTE

 

L'Education nationale va pouvoir changer de fonctionnement et imposer moins de possibilités de souffrance au travail aux professeurs, puisque les affectations de TZR, de TRB, de brigade ZIL, qui touchent les néo-recrutés, pourraient se réduire, au profit de remplacements au coeur de chaque établissement, avec une réactivité inégalée, emportant l'adhésion des parents sans faire perdre de temps aux élèves.

 

Le gain, c'est moins de souffrance au travail, moins de Congés de Longue Maladie ou de Longue Durée, très certainement. Moins de dépressions, moins de burn-out. Car seuls ceux qui estiment être en bonne santé physique et psychologique, verront certainement leur candidature sur ces missions, être acceptée. Il serait étonnant que la direction d'établissement accepte la candidature à une mission de la part d'un professeur fréquemment absent. Ce serait contre-productif pour le système, car on voit mal un professeur percevoir 1.250,00 €/an pour remplacer ses collègues, alors que lui-même devrait être remplacé plus souvent qu'il ne remplace... 

 

Le gain en postes est de près d'une dizaine de milliers, avec des missions qui coûteront moins cher que des postes. Le bénéfice est énorme à court, moyen et long terme, et permet certainement de compenser la pénurie de professeurs qui impacte tout le système depuis 2010, en s'aggravant, au fil du papy-boom qui s'accentuera au moins jusqu'en 2035. C'est l'occasion pour le système tout entier de sortir de la massification pour entrer dans une logique de réduction de postes, par augmentation du temps horaire consacré par chacun sur la base du volontariat. C'est sortir de cette vision égalitariste des syndicats qui a fait tant de mal à ceux des professeurs qui voulaient s'investir plus, et ne recevaient pas le fruit de leurs efforts. Là, au moins, les plus investis verront leurs efforts récompensés.

 

Le gain, c'est aussi cette augmentation de revenu qu'attendent tant les professeurs depuis 40 ans, et qui ne viendra jamais autrement que par du travail en plus, à l'évidence. Il serait dommage de la rejeter telle quelle, dans la précipitation de la contestation syndicale systématique.

 

Le gain, il peut être pédagogique, en disposant de beaucoup plus de temps avec ses élèves, lors du remplacement de ses collègues absents, pour arriver à traiter tout le programme de l'année, ou pour approfondir certains points du programme, ou réaliser des points méthodologiques. Et établir une autre relation avec ses classes, avec une mise en oeuvre du programme beaucoup moins stressante.

 

Le gain, il peut être financier, pour ceux qui décideront de cumuler des HSA, une IMP, et des missions PACTE, même s'il ne se traduit pas par une augmentation indiciaire qui aurait été l'idéal pour espérer un meilleur indice avant de partir en retraite.

 

Le gain à moyen terme peut être collectif, en conduisant l'Education nationale à accroître le différentiel de rémunération entre contractuels et titulaires pour redonner de l'attractivité aux concours, tout en augmentant plus souvent les salaires des professeurs devenus titulaires, en réinjectant les milliards économisés, espérons-le, des économies de postes réalisées.

 

LES RISQUES DU PACTE

 

La mise en place du Pacte devra inciter tous les acteurs à la vigilance, pour que tout se passe bien, car les écueils sont nombreux:

 

- multiplication des pressions hiérarchiques si les volontaires ne sont pas assez nombreux, en faisant miroiter que cela serait particulièrement examiné lors des rendez-vous de carrière, par exemple. Il est tout-à-fait possible d'imaginer que cela fasse partie des critères d'appréciation de la qualité de service et du mérite individuel. Car c'est bien vers cela que le système s'achemine.

 

- jalousies entre collègues qui auront pris à temps le Pacte et le renouvelleront, et ceux qui attendront en vain une augmentation que leurs syndicats mettront encore des années à obtenir.

 

- risque de dénigrement entre collègues, ceux remplaçant les cours d'un autre, pouvant devenir critiques sur leur pédagogie, lorsqu'ils décident de jeter un oeil aux cahiers des élèves, si le remplacement s'effectue dans d'autres classes que celles qu'ils ont en responsabilité. Ce risque peut être évité.

 

- risque de frustration majeure, après l'euphorie de l'augmentation mensuelle liée au Pacte: tout souscripteur de Pacte gagnera aussitôt ce qu'il est supposé gagner dans 10 à 15 ans au niveau indiciaire, et sa fiche de paie risque fort d'être la même pendant 15 ans, lorsqu'il décidera de réduire son investissement sur le Pacte, ou si le Pacte est un jour abandonné. Beaucoup d'expérimentations de l'Education nationale ne durent pas plus de 5 ans.

 

- risque de burn-out chez les enseignantes mères de famille qui auront surestimé leurs capacités d'investissement, coincées entre la perte de leur pouvoir d'achat et le besoin de mieux vivre, alors que leur temps d'investissement à domicile n'est comptabilisé et remercié nulle part. 

 

Si le professeur certifié qui a signé le Pacte pour assurer 18h de remplacement tombe malade pendant l'année, remplacé 18h sur une semaine par ses collègues, que devient son pacte ?

 

S'il est absent deux semaines, son Pacte est-il remis en question ?

 

- risque de scinder progressivement les salles des professeurs en deux clans: ceux qui auront pris le Pacte, et ceux qui continueront de s'y opposer. Le pôle de direction de l'établissement sortira renforcé avec des enseignants "bien vus" car ils ont décidé de pallier aux dysfonctionnements de l'établissement. Avec tous les risques que comporte le développement de différenciation de perception de l'investissement de chacun. 

 

LES CONTRAINTES DU PACTE

 

Le Pacte, une fois signé, est annuel. Un professeur signataire déméritera-t-il aux yeux de sa direction s'il ne souhaite plus s'investir l'année suivante ? 

 

Un professeur qui aura augmenté son revenu mensuel de 104 € à 520 € bruts/mois en prenant 4 missions aura-t-il envie de s'en défaire, après avoir augmenté son train de vie, liant le Pacte à sa capacité à plus dépenser, plus emprunter ? Certains professeurs risquent de s'épuiser, coincés par leurs contraintes financières, et de sacrifier leur santé pour quelques centaines d'euros par mois.

 

Il faudra que chaque Direction fasse un point régulier, soit observatrice du fonctionnement du Pacte auprès de chaque enseignant souscripteur, et puisse faire un point annuel, au moins, pour réaliser un compte-rendu de l'expérience du professeur participant.

 

Il y a fort à parier qu'un professeur qui souhaitera demander un temps partiel ou un mi-temps pour cumul d'activité externe en créant son autoentreprise, se verra demander pourquoi il ne souscrit pas au Pacte à la place, qui aura l'avantage de ne pas lui faire dépenser en formations, ni en investissements pour développer une activité qui ne deviendrait éventuellement rentable qu'à partir de la 2e  année de sa création.

 

Nous pensons que la mise en oeuvre du Pacte, prioritaire, réduira les obtentions de temps partiel et mi-temps pour cumuls d'activité. Les Référents Déontologues, forts de leur connaissance des 1.400 articles du Code Général des Fonctionnaires (CGF), mettront un point d'honneur, par leur examen très pointilleux de tout projet de cumul, à faciliter la souscription du Pacte, en refusant de plus en plus des cumuls, très certainement.

 

LES OPPORTUNITES DU PACTE

 

Le Pacte nous paraît pouvoir intéresser la tranche d'âge 30-50 ans, celle qui a le plus d'énergie, expérimentée, dont les cours sont prêts et juste à améliorer, et qui ont acquis des compétences pour travailler vite et bien. 

 

Eux pourront sans difficulté décider de s'investir dans plusieurs missions, tandis qu'il faudra que les chefs d'établissement soient vigilants pour ne pas surcharger, même en cas de demande enthousiaste, de jeunes professeurs, qui peuvent se retrouver, par manque d'expérience et de contenus de préparations, en difficulté.

 

Ceux qui vont contribuer au Pacte seront certainement mieux perçus de leur hiérarchie, et il est facile d'imaginer qu'ils accèderont plus facilement à la hors-classe ou la classe exceptionnelle, et que leur investissement au sein de l'établissement pourra leur valoir un appui de leur IEN ou IA-IPR lors d'une candidature sur un poste administratif au sein de leur DSDEN ou de leur Rectorat. Le Pacte deviendra un levier de carrière.

 

Globalement, nous conseillons à ceux qui aiment les expérimentations, de tenter le Pacte, au moins une année, pour ne pas laisser passer cette chance de contribuer à un tournant au sein du système éducatif, en permettant aux élèves de perdre le moins de cours possible, ce qui devrait améliorer le sentiment de satisfaction des parents envers l'Ecole en général.

 

La vigilance reste de mise, et nous médiatiserons bien sûr une fois par an tous les types de situations qui auront montré des excès de la part des chefs d'établissement et des inspecteurs, car nous les lirons dans les témoignages du millier de professeurs par an qui nous contacte, sans discontinuer, depuis 17 ans.

 

En effet, une partie des professeurs a beaucoup plus confiance dans des structures externes, indépendantes, déconnectées d'un contexte administratif, statutaire, hiérarchique, que de confier tous leurs soucis en interne, par peur que cela rejaillisse sur leur carrière et la perception de l'image qu'ils ont pu donner à leur hiérarchie.

 

Notre illustration du Pacte est destinée à faire réfléchir. Nous apprécions l'exagération caustique des dessins de LASSERPE, qui, en forçant le trait, nous permet d'interpeller les consciences, d'insister sur des points de vigilance, comme nous avons toujours réussi à le faire depuis 2006.

 

Nous "voyons" souvent des perspectives bonnes ou mauvaises que beaucoup d'individus ne perçoivent pas immédiatement, ce qui a fait notre succès depuis 17 ans.

 

Le Pacte enseignant:

- c'est une nouvelle aventure dans la gestion des carrières,

 

- c'est diabolique si l'on se place d'un point de vue syndical car une adhésion d'au moins 30% des professeurs serait un fantastique échec syndical, conduisant bon nombre de professeurs à ne plus adhérer à ces organisations qui s'opposent à toute innovation contraire à leurs valeurs,

 

- c'est machiavélique si l'on se place d'un point de vue de gestion de la pénurie des professeurs,

 

- c'est stratégique pour qui voudrait réduire la masse enseignante du Mammouth, réalisant le tour de force d'appliquer progressivement les préconisations du Rapport du Sénateur LONGUET, 

 

- c'est habile pour qui voudrait diviser les professeurs entre eux, avec toutes les conséquences possibles de long terme, sur lesquelles le système devra rester vigilant.

 

- c'est audacieux, par la vision libérale d'un tel système, qui conduira, nous le prédisons, à réduire le nombre de professeurs qui décideront de rester toute leur vie enseigner.

 

Le PACTE va accentuer le turn-over au sein du système, et tous les DRH, au lieu de contenir ce qu'un ancien Secrétaire Général de l'Education nationale appelait "la donnée enseignante", ou ce que certains appellent toujours "le ressource enseignante", devront pour éviter une hémorragie de souffrances au travail, faciliter le turn-over en réduisant le nombre de nécessités de service.

 

Car il n'échappe à personne que la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, l'Allemagne, paient leurs professeurs 2 à 3,5 fois mieux que la France, sans avoir augmenté leur temps de travail.

 

Et les professeurs bilingues et nomades sont de plus en plus nombreux.

 

La Suisse n'a plus que 2% de chômeurs et est en pleine pénurie de professeurs.

 

C'est pour cette raison que depuis deux ans, après avoir bien étudié le système de recrutement Suisse, nous avons publié un article très complet, pour les candidats à l'expatriation dans un métier qui les passionne, mais où ils veulent gagner beaucoup plus, dans forcément travailler plus. Le nombre de séquences d'enseignement hebdomadaire des professeurs chez nos voisins n'excédant pas 45 mn, contre 55 mn en France.

 

Voilà une autre évolution possible en France pour réduire la souffrance au travail: réduire la durée des séquences à 45 mn, évitant ainsi la fatigue des élèves, celle des professeurs, avec au moins 35 mn de concentration facilitée des élèves.

 

COMMENT ENSEIGNER EN SUISSE ?

 

LE PACTE ENSEIGNANT 


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