L'allongement des carrières au fil des réformes induit une pénibilité croissante du métier:


L’état de la médecine du travail dans l’Éducation Nationale  est catastrophique.

 

82 médecins du travail en 2016 pour 950.000 agents soit 1 pour 16.000, ce qui  rend difficile un suivi régulier de tous les professeurs.

 

L’enseignant rencontrant des problèmes de santé ponctuels, une fois dans l’année, pour une période d’une à deux semaines, ne se sent pas exclu de la vie sociale de son établissement, mais celui dont l’arrêt se prolonge au-delà de trois semaines finit par perdre pied, surtout s’il connaît de nouveau cette situation en cours d’année, soit au titre de sa maladie, soit au titre de la baisse de moral qui en a résulté.

 

Lorsque le Congé de Maladie Ordinaire (CMO) atteint trois mois consécutifs, la réputation de l’enseignant, qui a dans la majorité des cas été remplacé au bout de deux semaines, a été atteinte. Il a à la fois perdu en crédibilité vis-à-vis de ses élèves, de leurs parents, mais aussi de la direction de son établissement. Les enseignants qui « prennent » souvent des CMO se sentent progressivement à l’écart de leur métier, et ont plus de difficultés à obtenir le silence de leurs élèves en classe. Ce sont aussi les moins dynamiques, peu enclins à participer aux projets interdisciplinaires dans leur établissement, puisqu’il est difficile de compter sur leur contribution régulière.

 

Les enseignants touchés par la maladie, par les accidents de la route, ou touchés de manière régulière par les situations de déprime, comme les « cyclothymiques », finissent un jour par entrer dans le circuit des Congés de Longue Maladie (CLM) et des Congés de Longue Durée (CLD). Leurs droits sont suffisamment protecteurs pour leur garantir un bon rétablissement, sans soucis financiers, pendant plusieurs années. Un CLM est indemnisé à plein temps pendant 12 mois (incluant le CMO initial de 3 mois) puis 2 ans à demi-traitement. Un CLD est indemnisé à plein temps pendant 24 mois, puis trois ans à demi-traitement. Si l’enseignant a d’abord obtenu un CLM, le CLD en décomptera sa durée, pour une même maladie.

 

Combien sont-ils en France, dans le 1er degré et le 2nd degré, dans ces situations ?

 

Le dernier Bilan Social 2019 de l'Education Nationale en fournit un bilan (pp.165-182):

 

- En 2016-2017 pour tous les personnels de l'Education Nationale, 966.400 personnes ont pris au moins une fois un congé de maladie ordinaire (CMO) et 29.900 étaient en position de "congé long" . 11.600 étaient en maladie professionnelle ou en accident du travail.

 

Le tableau de la page 169 sur la santé selon l'âge montre que les CMO concernent tous les âges, mais que les "congés longs" concernent surtout les plus de 50 ans (4,0 % des agents parmi ceux ayant eu au moins un congé de maladie). Après 50 ans, la durée de ces congés-maladie s'allonge en effet (10,9 jours en moyenne).

 

Page 171 sont analysés les congés des enseignants du secteur public en 2016-2017:

- Les plus de 50 ans parmi tous ceux ayant été en congé maladie, ont toujours la durée la plus longue.

- Plus d'1 professeur sur 2 a pris un congé maladie dans l'année (54.2% dans le 1er degré et 50.1% dans le 2nd degré).

- Les femmes, plus nombreuses en proportion des effectifs de professeurs, sont plus souvent en congé maladie (56.0% contre 42.9% pour les hommes).

- Les professeurs enseignant en éducation prioritaire utilisent plus souvent les congés maladie, puisque leurs conditions de travail sont bien plus difficiles.

- Les professeurs remplaçants de moins de 30 ans sont plus souvent malades que ceux qui ont un poste fixe.

 

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Les congés pour raison de santé (pp.165-182)
depp-2019-Bilan-social-2018-ministere-de
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Les témoignages qu’e reçoit Aide aux Profs depuis 2006 montrent que l’enseignant en grande difficulté qui fait appel à son administration en dernier recours, à l’occasion d’un CLM, d’un CLD, d’un PACD ou PALD, s'est senti jusqu'en 2019 parfois culpabilisé, stigmatisé, voire infantilisé par ces services, car « on ne savait pas quoi faire de lui ».

 

Le professeur se sent alors dépendant, donc vulnérable, à la merci de personnels administratifs qui méconnaissent parfois les exigences et les contraintes qu’il a pu endurer dans son quotidien d’enseignant.

 

Toutefois, depuis septembre 2019, l'Education nationale réalise un effort historique, un chantier monumental, sous l'impulsion de Jean-Michel BLANQUER via les services DGRH qui répercutent sa feuille de route auprès de tous les DRH académiques: créer les conditions d'une réelle GRH de proximité, axée sur le bien-être au travail des professeurs et autres personnels. Cela devenait essentiel dans ce métier de professeur qui a tant perdu, pour cette raison, son attractivité depuis au moins 10 ans.

 

Il est beaucoup trop tôt pour dresser un bilan de ce qui n'est plus une expérimentation, puisqu'elle a eu lieu en 2018-2019 lorsque le DGRH Edouard GEFFRAY l'avait impulsée. Le Rapport de Février 2019 de l'Inspection Générale en donnait un aperçu:

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L’accompagnement des personnels en académie dans le cadre de la GRH de proximité
Février-2019_Rapport IG-MEN_GRH_proximit
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Aide aux Profs estime qu'il faudra attendre au moins 2022 pour dresser un bilan plus réaliste de tous les efforts qui auront été réalisés dans l'accueil, l'écoute, en espérant que tous les référents de proximité recrutés auront été à la hauteur des ambitions affichées: créer les conditions du bien-être au travail dans l'Education nationale.

 

Pour espérer redonner de l'attractivité durable au métier de professeur et enrayer la spirale de la souffrance multiple au travail, Aide aux Profs estime qu'il sera nécessaire de poursuivre cette politique ambitieuse durablement, et non considérer qu'il s'agissait d'une énième et coûteuse expérimentation. Il en va de l'avenir du métier de professeur en France, pour les 25 ans qui viennent au moins, puisque jusqu'en 2045 les classes d'âge partant en retraite seront les plus nombreuses.




Ces professeurs éprouvaient un profond désarroi:


Tous les témoignages que nous diffusons sont strictement anonymés, les prénoms changés. Ils proviennent des formulaires de contact que plus de 16.600 professeurs ont complété en nous contactant, et que nous avons ensuite conseillés bénévolement. Dans le cadre de témoignages relatifs à la santé, que nous ont confié les personnes sans que nous l'ayons demandé, nous avons renforcé cette anonymisation pour conserver la nature de leur souffrance au travail.


 Véronique, 29 ans, Professeur des Écoles depuis 3 ans, imputait

l’apparition de ses soucis de santé à l’exercice de son métier :

 

"Crises d’angoisse, boule au ventre, eczéma, dépression: voilà le triste bilan de 3 années de galère. En congé maladie depuis le lendemain de la rentrée, il est clair que l’enseignement n’est pas fait pour moi (ou l’inverse).

 

Mais que faire d’autre ?"

 


Tatiana, 32 ans, Professeur de (…) à temps partiel depuis une dizaine d’années, aurait aimé continuer d'enseigner, mais un accident de la route en a décidé autrement :

 

"J’enseigne depuis 10 ans. J’ai eu un accident de la route il y a deux ans. J’ai fait une brève tentative de reprise cette année qui s’est soldée par un retour en congé de longue maladie. Je suis actuellement en mi-temps thérapeutique avec une aide humaine pour compenser mon handicap. J’ai en effet été victime d’un traumatisme crânien qui me laisse quelques séquelles (difficultés attentionnelles, sensibilité au bruit... et de ce fait fatigabilité). J’ai donc des difficultés à gérer la classe, et ce malgré l’aide qui m’a été octroyée. Je me sentirais apte à gérer un petit groupe d’élèves, mais une classe entière me demande beaucoup d’énergie."


Delphine, 32 ans, PLP de (…) depuis 5 ans en lycée professionnel, a toujours su qu’elle s’était trompée de métier, et elle prend l'initiative de nous parler de ses soucis de santé :

 

"Dès le début de ma carrière, j’ai su que je m’étais trompée de métier. Je déteste faire de la discipline et je n’aime pas gérer des grands groupes parce que mon état physique s’en ressent et qu’au-delà de ma santé, c’est tout simplement quelque chose que je n’aime pas et qui est assez fréquent en lycée professionnel. En

revanche j’aime beaucoup préparer les cours."

 

J’ai également eu des soucis de santé et il s’est avéré que je souffre d’une maladie rhumatismale évolutive. Comme je suis bien suivie, l’évolution est très ralentie. Je suis totalement démotivée et je ne souhaite plus continuer à enseigner. Comme je ne suis pas reconnue travailleur handicapé mais « simplement » comme ayant un léger taux d’invalidité, je souhaite « m’offrir » des conditions de travail plus en adéquation avec ma santé et avec mes goûts. Seulement, problème : je ne sais absolument pas quoi faire et surtout pas ce que je suis capable de faire."


Elisabeth, 32 ans, certifiée de (…) depuis une dizaine d’années à plein temps en collège, pouvait difficilement selon ses explications imaginer poursuivre sa carrière d’enseignante :

 

"Je suis en congé maladie pour cause d’hyperacousie, pathologie incompatible avec ma discipline et mon métier d’enseignante. Même si je peux guérir, je ne veux pas laisser mes oreilles de musicienne à la merci de mon gagne pain. Je dois décider de l’objet de mon Poste A Courte Durée (PACD) et je me sens piégée par mon attirance pour le pédagogique !!!!!! ».


Edith, 33 ans, était Professeur des Écoles en nous contactant :

 

"J’ai enseigné (…) ans dans une école de campagne en cycle 2 avec la charge de la direction de l’école. J’ai ensuite travaillé (…) ans dans un CP-CE1 dans une autre école de campagne. Depuis (…) ans je travaille dans une plus grosse école avec une classe de CP -CE1.

 

Je ne souhaite pas continuer dans cette voie car je n’ai plus la motivation nécessaire (classe difficile, élèves de plus en plus insolents, relation difficile avec certains parents qui s’imaginent qu’on est que des fainéants, des collègues qui ne comprennent pas et nous le font bien savoir, une hiérarchie qui nous prend pour des moins que rien, car nous sommes des fonctionnaires qui doivent appliquer les ordres).

 

La goutte d’eau a été cette rentrée scolaire que je n’ai pas pu faire à cause d’une hernie discale qui m’a empêché de travailler pendant plusieurs semaines. Cette situation a occasionné un ras-le-bol car certains collègues, et certains parents, n’ont pas hésité à me traiter de fainéante car un «petit» problème de dos ne doit pas m’empêcher de travailler. J’ai également contacté l’inspection et la réponse a été : soit je reviens après mon arrêt et tout redevient normal, sinon je perds ma classe et un des mes collègues devra me remplacer et à mon retour d’arrêt maladie, je prendrais SA classe !

J’ai plusieurs enfants en bas âge et je ne trouve pas assez de temps pour m’en occuper, je travaille tous les soirs, les  week-ends et les vacances. Heureusement qu’il y a les vacances d’été...

 

Je souhaiterais me reconvertir dans un emploi plus bureaucratique, quitte à travailler plus la semaine mais pour avoir du temps libre quand je rentre à la maison."


Aimée, 38 ans, agrégée de (…) depuis une dizaine d’années, était

en Congé de Longue Maladie (CLM) avec la volonté d'en sortir :

 

"Je suis actuellement en Congé Longue Maladie, depuis deux ans. J’ai été admissible l’an dernier à un concours administratif de catégorie B pour devenir secrétaire, que j’ai préparé très sérieusement par le CNED ; mais je

pense que j’ai été recalée à l’oral à cause de mon profil de professeur

agrégée (surqualifiée).

 

Auparavant, j’ai enseigné 10 ans dans un lycée classé ZEP dans l’académie de X, puis j’ai obtenu ma mutation pour un bon lycée dans la même académie.

 

J’ai craqué l’an dernier, car je ne supportais plus ce métier : les classes qu’on voit juste deux heures par semaine sans pouvoir créer du lien, la solitude du professeur devant des classes surchargées, la solitude du prof qui prépare ses cours. Actuellement, je lutte avec la dépression, ce qui ne m’aide pas à reconstruire un projet. J’aimerais rester dans la fonction publique, et je suis en contact avec une personne des RH du rectorat, qui est visiblement débordée et ne peut pas me recevoir actuellement."


Géraldine, 44 ans, était professeur d’Éducation Musicale en collège depuis 20 ans. Elle rencontrait des problèmes de voix, et estimait que son métier empiétait trop sur sa vie personnelle :

 

"J’enseigne l’éducation musicale dans toutes les classes du collège depuis 20 ans. Je me suis beaucoup investie dans de multiples projets. J’ai depuis quelques temps un problème de santé : une fatigue vocale importante car je sollicite la voix parlée projetée et la voix chantée toute la journée avec 20 classes. Je suis actuellement en rééducation chez une orthophoniste. D’après l’ORL, je n’ai rien aux cordes vocales.

 

Ce souci de santé me préoccupe car la voix est mon outil de travail. En dehors de cela, une lassitude s’est installée et une fatigue importante due à des classes surchargées (30 à 35 élèves) et une nécessité de maintenir la discipline dans des classes de collège. Je suis également très frustrée de n’avoir pour relation avec mes élèves qu’une relation de «groupe», la relation individuelle étant quasi impossible à mettre en place lorsqu’on a les classes 1h par semaine. Une classe sort et l’autre est déjà à la porte ! Ce métier ne correspond donc plus à mes aspirations personnelles.

 

Je souffre également (ainsi que mes enfants) du fait que ce métier empiète énormément sur ma vie de famille (préparations le week-end et les vacances). Je n’ai d’ailleurs plus le temps de pratiquer la musique dans ma vie personnelle. Aussi, je me demande s’il ne serait pas plus judicieux d’exercer un tout autre métier (sans doute avec plus d’heures sur place et moins de vacances) qui me permettrait de me libérer totalement pour ma famille une fois rentrée à la maison. "


Christine, 50 ans, qui exerçait comme Professeur de (…) depuis bientôt 30 ans, a été déstabilisée professionnellement par une maladie grave :

 

"Après une maladie grave dépistée et soignée récemment, suivi de différents autres soucis personnels et de santé, ma reprise du travail est trop difficile, voire insurmontable.

 

Il m’est devenu impossible d’entrer en classe désormais, et impossible de continuer à faire durer les arrêts maladie. J’ai besoin d’envisager une seconde carrière et d’avancer à nouveau, mais est-ce encore possible à mon âge de faire autre chose, alors qu’il me reste au moins 12 ans à enseigner pour espérer une pension de retraite à taux plein ?"


Marie-Cécile, 53 ans, Professeur d’EPS depuis près de 30 ans, exerçait à temps partiel pour tenir le coup, mais cela devenait de plus en plus dur :

 

"…depuis quelques années déjà, le mal être dans mon travail est présent...des mini dépressions, des problèmes de santé (genou, autres...) et une démotivation de + en + grande...au cours de mes dernières inspections, j’ai parlé de mon désir de reconversion !!! Mais pas de solutions apportées par l’éducation nationale...

 

Je suis à temps partiel...et j’ai fait le tour de la question...ce métier ne m’intéresse plus surtout de la manière dont on nous demande de l’exercer...et pourtant je suis dans une ville très calme, avec des enfants dans l’ensemble plutôt sympas mais qui ne correspondent plus à ce que j’ai connu...JE SUIS EN DECALAGE COMPLET !!! BREF RAS LE BOL.

 

Mon projet ??? trouver quelque chose pour me permettre d’atteindre la retraite tranquillement sans avoir mal au ventre en allant au boulot, sans gueuler après les gamins...ma patience n’existe plus..."


CES TEMOIGNAGES SONT UN ECHANTILLON, NON EXHAUSTIF

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