William Lafleur alias Monsieur le Prof publie "L'ex plus beau métier du monde"


Photo de ©Adrien Pateau ©Flammarion 

 

Interview réalisée par AIDE AUX PROFS les 27-28 août 2023, William LAFLEUR ayant adressé son ouvrage à notre association le 17.08.2023.

 

William LAFLEUR, quelles avaient été vos motivations pour devenir professeur (quand est née cette vocation en somme), et y seriez-vous resté toute votre vie si l’institution respectait le bien-être au travail des professeurs en les valorisant correctement ?

 

J’ai commencé mes études d’anglais parce que j’aimais la langue anglaise et la culture américaine ou britannique, sans réellement me soucier du métier que j’exercerai par la suite.

 

Arrivé en Master, où l’on nous demande de nous spécialiser (recherche, traduction ou enseignement), même si j’étais attiré par la recherche, j’ai fait le choix de l’enseignement car celui-ci proposait des débouchés plus sûrs. Je n’ai jamais vraiment eu la fameuse « vocation » d’enseigner, et je n’aime pas beaucoup ce terme. A mes yeux il est très souvent utilisé pour nous faire avaler des couleuvres : par amour de notre métier et gratitude de pouvoir l’exercer, alors on ne devrait surtout pas se plaindre de notre salaire, et accepter toutes les réformes qui nous tombent dessus ! 

 

Vous consacrez 34 pages au « cas BLANQUER » : si vous deviez choisir parmi tout ce qu’il a réalisé pendant 5 ans, qu’a-t-il fait de pire, et qu’a-t-il fait de mieux que ses prédécesseurs que vous n’auriez pas cité ?

 

Je pense que la réforme du lycée est la pire chose qu’il ait produite. Il l’a tellement passée en force, dans la précipitation, et sans concertation, que cette année, 3 ans après sa mise en œuvre, il est encore question de modifier les dates des examens ! Tous les problèmes liés à cette réforme, que les hommes politiques et médias semblent découvrir avec stupeur aujourd’hui (stress des élèves, absences après les épreuves placées bien trop tôt…), les enseignants l’avaient prévu dès son annonce, mais personne ne nous a écoutés.

 

Ce que BLANQUER a très bien réalisé dans son mandat, c’est de traiter les enseignants avec mépris, préférant s’adresser aux médias sur des questions cruciales concernant ses agents, plutôt qu’aux agents eux-mêmes. Par exemple, lors de la crise du COVID, nous apprenions au quotidien, en regardant la télévision, quels seraient les protocoles mis en œuvre. Lunaire !

 

A-t-il été le seul ministre de la Ve République selon vous à dégrader la condition des professeurs ? Quels autres exemples pourriez-vous citer et pourquoi ?

 

Je n’ai enseigné que sous Vincent PEILLON, Benoît HAMON, Najat VALLAUD-BELKACEM et Jean-Michel BLANQUER, donc je n’ai pas le recul nécessaire pour accuser tel ou tel ministre d’avoir torpillé plus qu’un autre l’Education Nationale. Ce que je sais, par contre, c’est que l’état dans lequel nous sommes aujourd’hui est bien le fruit d’une politique continue depuis 20 ans où Claude ALLEGRE a décrété qu’il fallait « dégraisser le mammouth. »

 

Désormais le maître mot est la volonté de faire des économies : suppression de postes, gel du point d’indice, suppressions d’heures de cours, de classes pour les élèves à besoin spécifiques, baisse des dispositifs ZEP… Les ministres de gauche ou de droite se succèdent, mais la politique est la même. 

 

Dans tout ce que vous citez comme dysfonctionnements, lequel vous paraît de loin le plus insupportable pour un nouveau professeur comme pour un professeur expérimenté ?

 

Je crois que ce qui m’a le plus choqué, lors de ma première année d’enseignant, c’était notre formation. Complètement théorique et hors-sol, je me souviendrai toujours de ce « formateur » qui un matin, à 8h, avait sauté sur son bureau avec un grand sourire en nous demandant de sourire à notre tour, car si nous n’étions pas heureux d’être là, pourquoi nos élèves le seraient ? Puis il nous a fait coller des post-it avec des noms de célébrités sur notre tête et nous devions les deviner, dans le but de montrer une activité qu’on pourrait faire avec nos élèves…

 

Toute la formation était infantilisante, et ne nous donnait pas les ressources ou techniques nécessaires pour s’en sortir en classe. Avec ce genre d’entrée dans le métier, au moins j’étais préparé à l’univers kafkaïen de l’éduc nat’, d’un côté…

 

Lorsque vous avez reçu quelques 2.000 témoignages de toute la France après votre appel sur un groupe privé d’entraide de professeurs sur Facebook, qu’avez-vous ressenti ? 

 

Dans un premier temps, j’ai été estomaqué du nombre de réponses reçues en à peine une journée : près d’un millier. Ce que ça signifiait était plutôt clair : les collègues en avaient gros sur la patate et avaient un besoin pressant de se faire entendre. Je leur ai proposé cet ouvrage comme une sorte de porte-voix, et ils s’en sont saisi. 

 

Cela faisait des années que je recevais des messages de collègues démunis se tournant vers moi pour les conseiller ou tout simplement les écouter. Je les partageais sur mes réseaux (anonymement, pour les protéger de l’institution) et la réaction que j’avais le plus était celles d’enseignants me disant qu’ils se sentaient moins seuls en lisant les histoires des autres. On se rend compte que les cas ne sont pas isolés mais bien systémiques, et symptomatiques d’une institution en crise.

 

La lecture des 2.400 témoignages finalement recueillis a été longue et douloureuse. Chaque témoignage était plus effarant que le précédent, et il était triste de voir que la plupart de ces récits se terminaient par quelque chose disant « j’adore mon métier, mais je n’en peux plus, et je pense de plus en plus à démissionner, alors que j’ai tout donné pendant des années », par des collègues ayant 5, 10, 20 ou 30 ans de profession.

 

Vous parlez du manque de perspectives professionnelles pour les professeurs : que proposer d’autre aux professeurs que de devenir inspecteur, chef d’établissement ou gestionnaire financier en collège ou lycée ?

 

Il existe la possibilité d’obtenir un détachement dans d’autre corps de la fonction publique, ce que beaucoup d’enseignants ignore. Hélas, comme nous sommes en pleine pénurie d’enseignants, ces détachements sont souvent refusés.

 

Mais quand je parle du manque de perspectives, je ne déplore pas vraiment de ne pas pouvoir «gravir les échelons » dans l’enseignement, mais plus du fait qu’année après année, notre pouvoir d’achat diminue, nos effectifs augmentent et nos conditions de travail deviennent de plus en plus difficiles. En somme, plus on avance dans notre métier, plus on rencontre de difficultés. 

 

Quels peuvent être les conséquences du Pacte mis en place à partir de la rentrée 2023 dans le quotidien des salles des profs et quel message souhaitez-vous diffuser aux enseignants à ce propos ?

 

Comme BLANQUER avant lui, Pap NDIAYE lance une nouvelle réforme de façon précipitée : en juillet 2023, tout le monde était encore dans le flou, pour une mise en place à peine deux mois plus tard… c’est affligeant.

 

L’idée du pacte, c’est de sabrer le statut des enseignants. En gros, si on le signe, pour une prime pas bien folichonne (de 1250,00 €, 2.500,00 € ou 3.750,00 € … par an selon le nombre de « briques » souscrites), on accepte de remplacer nos collègues au pied levé, on s’engage pour du soutien, et on devient totalement soumis à notre chef d’établissement qui veillera bien à ce que toutes les missions qu’il donnera soient parfaitement accomplies, sous peine de ne pas verser la prime, car le paiement de celle-ci sera voté lors du conseil d’administration.

 

Le risque de ce pacte, en plus de rendre les enseignants corvéables à leur chef, c’est d’à nouveau diviser leurs enseignants entre eux. En multipliant les statuts, on casse la possibilité de s’unir.

Ce que je conseille aux collègues, c’est évidemment de ne pas signer le Pacte. Surtout qu’avec la dernière annonce d’Emmanuel MACRON concernant la reprise pour les élèves en difficulté le 20 août, ça ne m’étonnerait pas du tout qu’on demande aux collègues « pactés » de s’y coller.

 

Vous parlez de la mission difficile des chefs d’établissement : que préconiseriez-vous pour faciliter leur bien-être au travail, à eux aussi, et réduire la pression à laquelle les soumet leur hiérarchie ?

 

Il me semble que les chefs d’établissement les plus sereins sont ceux qui travaillent avec et surtout POUR leur équipe éducative, plutôt que pour leur carrière. Les chefs ont des injonctions très fortes à appliquer les dernières réformes, à encaisser les baisses des DHG sans broncher, à faire signer les Pactes, à éviter les conseils de discipline… en somme, à ne pas travailler main dans la main avec leur équipe. Le diviser pour mieux régner fonctionne à tous les niveaux !

 

Que diriez-vous aujourd’hui à une personne tentée par les opérations de « job dating » de l’Education nationale et d’une manière générale à toute personne qui souhaite exercer le métier de professeur ?

 

Lisez mon livre, ça vous évitera de mauvaises surprises 😉 Blague à part, je pense qu’il est très important de se renseigner sur la réalité du métier pour éviter les déconvenues.

 

Ceux qui s’imaginent qu’il s’agit d’un métier tranquille où on ne travaille que 18h par semaine et sommes constamment peinards en vacances sont généralement ceux qui jettent l’éponge le plus vite. J’encourage vivement les nouveaux enseignants à se rapprocher des communautés de collègues existant sur Facebook qui peuvent les soutenir quand ils ont besoin d’aide ! 

 

Vous citez surtout des groupes d'entraide sur Facebook pour les professeurs en quête d'une reconversion. Que vous inspire l'action précurseur d'AIDE AUX PROFS depuis 2006 en faveur des secondes carrières des enseignants ?

 

Je ne suis hélas pas familier avec l'action précise d'AIDE AUX PROFS, n'y ayant pas fait appel lorsque j'ai demandé ma Rupture Conventionnelle... mais il se trouve que malgré un bon dossier, je ne l'ai pas obtenue.

 

Qui sait, peut-être que si j'avais fait appel à vos services et votre accompagnement, j'aurais eu gain de cause ! C'est tout de même terrible de devoir être accompagné pour pouvoir quitter l'Education Nationale dans de bonnes conditions. On marche vraiment sur la tête.

 


AIDE AUX PROFS, fort de notre expérience de 17 ans d'information et de conseil de plus de 20.000 professeurs du 1er et du 2nd degrés, de toute la France et des Dom, de tous les niveaux, de toutes les disciplines, de tous les départements, recommande à tout professeur actuel en souffrance ou non au travail, ou tout étudiant ou salarié du privé qui souhaite devenir enseignant, d'acheter cet ouvrage majeur, criant de vérité, d'authenticité. 

 

William LAFLEUR alias Monsieur le Prof qui a démissionné au 31 août 2023 crée l’évènement de cette rentrée scolaire et littéraire 2023 dans la sphère éducative avec un ouvrage criant de vérité sur toutes les problématiques qui empoisonnent la vie professionnelle et personnelle d’un professeur, et qui ont altéré ses conditions matérielles et financières depuis plus de 30 ans.

 

C’est un constat sans appel, et l’un des ouvrages les plus complets de ces 10 dernières années sur la souffrance des professeurs au travail dans ce qui n’est plus, depuis longtemps sauf dans la bouche de politiciens qui ne l’ont pas exercé comme les professeurs auxquels ils s’adressent, « le plus beau métier du monde ».

 

C’est pour cela que William LAFLEUR titre « L’ex plus beau métier du monde », pour alerter toute la société des parents d’élèves, les médias, les étudiants, les salariés de tous métiers, les décideurs et agents administratifs de l’Education nationale, de la lente dégradation des conditions de travail et de considération de 867.000 enseignants chargés de procéder aux apprentissages de ceux qui succèderont aux générations actuelles.

 

La France, 7e puissance mondiale, ne peut plus se regarder dans un miroir sans éprouver de honte du traitement indigne de son rang qu’elle offre à ses professeurs, en se contentant d’augmenter préférentiellement ceux qui ont 5 à 15 ans d’ancienneté d’un quinquennat à l’autre, en ne proposant que le Pacte variable de 1 à 5 briques pour tous, et dégradant systématiquement en-dessous de l’inflation annuelle, le pouvoir d’achat de ceux qui ont 15 à 42 ans d’ancienneté. Le différentiel de rémunération ne cesse de se réduire entre le début et la fin de carrière sur une durée qui ne cesse de s’allonger, et comme le souligne l’auteur, au bout de 10 ans, c’est décourageant d’être aussi peu payé avec un Bac+5 et un concours aussi sélectif qu’un Crpe, un Capes, un Plp ou une agrégation.

 

Au cœur du papy-boom, période démographique inédite qui conduit chaque pays concerné vers le plein emploi naturellement sans que les politiques publiques y soient pour quelque chose, et met de plus en plus en tension de nombreux secteurs d’activité dans tous les pays d’Europe occidentale, des Etats-Unis, du Canada, d’Afrique du Nord et Centrale, la France se distingue par la rigidité de son administration, dont la Gestion des ressources humaines (GRH) et le mode de management consistent à limiter au maximum les départs, en multipliant les nécessités de service qui font du professeur l’un des rares salariés en France dont la mobilité est empêchée tout au long de son année scolaire, en lui réservant la possibilité de repartir, s’il l’obtient sans refus, au seul 1er septembre d’une nouvelle année scolaire. Alors que tous ses voisins européens pratiquent depuis longtemps sans problème le départ à tout moment de l’année avec un préavis de 1 à 3 mois.

 

On comprend nettement mieux pourquoi la principale GRH de l’Education nationale, par l’action de chacune de ses académies, de ses Recteurs, Dasen et « Chefs de Division » grassement rémunérés par des primes délirantes pour « tenir les effectifs » est de quasi « séquestrer » ceux que le système tout entier a réussi à « capturer » par le truchement de la titularisation. Depuis que le Ministre Luc CHATEL a mis en place la mastérisation dans les années 2010-2011, le temps de formation et d’obtention du concours pour les candidats s’est allongé d’au moins 2 ans, ce que tout professeur « paiera » un jour lorsqu’il s’apercevra qu’à 64 ans, âge minimum de départ en retraite depuis la loi de 2023, il n’aura que 38 annuités au lieu des 43 requises, avec une décote de 5 ans qui amputera sa pension de 5 à 25%, réduisant sa pension de retraite à peu de chose, lui dont le salaire aura augmenté toute sa vie à l’allure d’une limace.

 

Ce qui ressort le plus de l’ouvrage majeur de William LAFLEUR, c’est la maltraitance des professeurs et de toutes les personnes qui travaillent avec eux, AED, AESH, CPE, AVS, ATSEM, etc. Leur employeur manque de temps, de moyens et de volonté de ses hauts fonctionnaires tout-puissants pour être à leur écoute, faire preuve d’empathie et de conciliation dans les situations les plus complexes qui les font souffrir.

 

Sans concessions, l’auteur dresse le bilan destructeur du Ministre qui aura battu le record de longévité en poste de toute la Ve République, Jean-Michel BLANQUER, notamment sur sa réforme du Lycée et du Baccalauréat, qu'il a vécue sur le terrain avec ses collègues. 

 

L’action multimédiatisée de « Monsieur le Prof » que William LAFLEUR a menée durant sa décennie de professeur d’anglais avec près de 500.000 followers sur twitter, lui a permis d’acquérir une vision générale et détaillée de tous les dysfonctionnements du système éducatif, sans pour autant la traiter académie par académie, ni encombrer son lecteur comme le ferait la DEPP (Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance) de l’Education nationale avec des statistiques toujours destinées à minimiser la réalité des souffrances vécues sur le terrain par les professeurs.

 

William LAFLEUR a réussi à sélectionner 106 témoignages représentatifs de la réalité vécue par tous les professeurs en France sur les quelques 2.000 qui ont répondu à son appel pour figurer dans son ouvrage de 440 pages.

 

Management et mutation des professeurs, recrutement et formation, salaire de 50% à 300% inférieur à mi-carrière que tout autre possesseur d’un autre Master2 travaillant dans le privé, conditions de travail dégradées, comportement plus ou moins agressif de parents clientélistes, sentiment d’impunité d’élèves de plus en plus agités et insuffisamment sanctionnés, bashing médiatique des professeurs traités par les politiques comme par leur institution d’absentéistes, bien que 95% d’entre eux aient travaillé double et permis à l’Education nationale d’assurer ses missions en utilisant son téléphone, sa connexion et son ordinateur personnel pendant toute la crise sanitaire, TOUT est passé en revue, méthodiquement, SANS RIEN OUBLIER.

 

Plus qu’il ne se lit, son ouvrage se dévore, littéralement, page après page, d’une profonde justesse, précise et concise, permettant de comprendre l’état de déliquescence dans lequel se situe le système éducatif bien que l’Etat ait augmenté constamment le budget de l’Education nationale avec 59,7 milliards d’euros en 2023.

 

En 2013 Rémi BOYER et José Mario HORENSTEIN avaient publié « Souffrir d’enseigner… Faut-il rester ou partir ? » et la réponse de l’ouvrage de William LAFLEUR, 10 ans après, apparait en conclusion, claire et nette : il faut partir quand on souffre de cette maltraitance institutionnelle sans fin, d’une réforme à l’autre, et démissionner pour s’épanouir ailleurs et gagner beaucoup mieux sa vie, rapidement, avec comme bagage un Bac+5 et une expérience diversifiée au contact des élèves qui fut enrichissante humainement et sera toujours utile ailleurs, en s’étant senti(e) acteur(trice) de la réussite et de l’avenir de ces générations nouvelles pour la France.

 






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