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La "revalorisation historique des profs" va manquer sa cible de redonner de l'attractivité au métier de professeur

Plus les mois passent depuis un an et plus la revalorisation des profs devient nébuleuse, en trompe-l'oeil.

 

Il n'est pas anodin que cette revalorisation des professeurs ait été annoncée après la remise du Rapport du Sénateur Longuet préconisant de faire travailler plus les professeurs, pour en économiser le nombre.

 

Car la revalorisation annoncée est conditionnée à l'augmentation du temps de travail des professeurs, au bon vouloir des chefs d'établissement qui, en local, auront tout pouvoir pour faire faire à ceux qui auront "signé le pacte enseignant", les tâches diverses et variées qu'ils mettront à l'intérieur.

 

Le Gouvernement n'a aucune réelle intention de revaloriser les professeurs, mais juste de faire des économies sur leur dos, en augmentant le temps horaire d'enseignement quel que soit leur grade, en économisant le retour au vivier de professeurs remplaçants. Ce sera donc pour l'Education nationale une excellente affaire, en supprimant ce vivier de profs TZR, TRB et Brigade ZIL qui ne remplaçaient pas toujours, avec pour certains des périodes non travaillées de plusieurs semaines à plusieurs mois par an.

 

La revalorisation n'en est pas une, puisqu'elle ne compensera pas les inflations des années 2022 et 2023, celle de 2022 ayant été contenue par le "bouclier tarifaire". Quand ce bouclier disparaîtra, l'inflation explosera peut-être et au final, l'exécutif aura obtenu à peu de frais l'augmentation du temps de travail des professeurs, tout en dégradant leurs conditions de travail avec des classes de plus en plus chargées.

 

La dégradation progressive du pouvoir d'achat des professeurs depuis 30 ans avec un salaire de départ divisé par deux en pouvoir d'achat constant, malgré le passage du franc à l'euro, ne sera pas compensée par cette revalorisation.

 

En septembre 2022 il était question de "revalorisation historique", qui devait avoir lieu à partir de "janvier 2023".

 

Durant l'automne, le ministre s'est focalisé sur la dotation budgétaire de 500 millions d'euros pour générer dans tous les établissements scolaires des projets collectifs, en équipe. Mais de revalorisation, point. Toujours repoussée, dans le flou.

 

En Janvier 2023, toujours le flou dans les propositions de revalorisation avec ce volant de 72h sur 36 semaines, laissant libre cours à toutes les utilisations possibles par les chefs d'établissement. On apprend progressivement que ces 72 heures seront occupées ainsi:

 

- remplacements de courte durée: remplacer ses collègues en congé maladie, c'est bien évidemment semer la zizanie dans les salles des profs, entre collègues, ceux qui remplacent maudissant ceux qui se mettent en arrêt maladie pour des raisons très souvent hautement justifiées: la préservation de leur santé, dans une Education nationale qui y songe si peu, avec 62 médecins du travail en 2023 pour 867.000 professeurs, le taux le plus bas de France en milieu professionnel.

 

- heures de soutien scolaire pour les professeurs des écoles en classe de 6e. Leur occasionnant des durées et frais de transport plus ou moins conséquents selon la proximité géographique entre leur école et le collège le plus proche. Depuis longtemps, les professeurs remplaçants (TZR, TRB, Brigade ZIL) remplacent sur des distances calculées à vol d'oiseau, sans tenir compte des reliefs ni des facilités de transport. Ceux qui signeront ce Pacte le regretteront rapidement (pour 10% d'augmentation seulement vite absorbé par l'inflation), en évaluant in fine leur charge de travail en préparation, en transport, et en regard de ce qu'ils auraient été payés dans le privé pour des heures supplémentaires avec leur Master2. Car c'est là que le bas blesse. 

 

- "des tâches spécifiques pour s'adapter aux réalités locales": on ne peut être plus précis, vraiment...

 

L'augmentation des salaires des professeurs, c'est un feuilleton maudit de tous les gouvernements, qui dure depuis 30 ans

 

Une longue dépréciation d'un gouvernement à l'autre, chacun ayant refilé la patate chaude au gouvernement suivant. Tous les partis qui ont porté au pouvoir un Président de la République depuis le début des années 1990 sont responsables de la dégradation du pouvoir d'achat des professeurs. Gauche, Droite. Socialistes, Républicains. République en Marche. Et maintenant "Renaissance".

 

Durant le quinquennat de Nicolas SARKOZY qui a supprimé plus de 80.000 emplois de professeurs avec la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP), suivant les "300 idées pour sauver la France" de Jacques ATTALI, qui a conseillé par la suite François HOLLANDE, puis Emmanuel MACRON, le niveau d'entrée aux concours de professeurs a été porté à un Master2, sans que les moyens suivent.

 

Quelle était donc cette revalorisation entre 2007 et 2012 ? 

 

Il s'agissait ni plus ni moins d'anticiper la réélection de Nicolas SARKOZY et de commencer à faire ce que Emmanuel MACRON a repris depuis: rendre peu accessible le statut de professeur fonctionnaire, en incitant les candidats à préférer enseigner comme contractuel.

 

Faire du métier de professeur une variable d'ajustement du chômage. Laisser au peuple des professeurs mal formés, enseignant dans les établissements les moins attractifs, les plus pénibles. Et laisser aux privilégiés leurs écoles privées, les meilleurs professeurs, les mieux formés, les plus compétents.

 

C'est cette politique là qui est reprise depuis peu. C'est l'un des objectifs inavoués pour l'instant du deuxième quinquennat d'Emmanuel MACRON.

 

En soumettant un projet d'augmentation de 2h par semaine pour les "volontaires" aux syndicats, le Gouvernement les prend au piège, puisqu'ils se sont toujours opposés à une modification des horaires statutaires de chaque grade. Ils s'étaient opposés à la suppression des décrets de 1950 à ce sujet sous Vincent PEILLON, Ministre socialiste de l'Education nationale du 16 mai 2012 au 2 avril 2014.

 

La revalorisation de 2010-2011 fut juste de porter le niveau d'entrée au Master2, sans que l'Etat se donne les moyens de payer au niveau d'un Master2, tous les professeurs, laissant certainement cette tâche aux gouvernement suivants.

 

C'est toujours cette méthode que l'on retrouve: la promesse de "revaloriser progressivement", sans que rien ne soit écrit durablement, sans qu'aucune obligation ne figure nulle part pour aucun gouvernement.

 

Le "plus tard", "progressivement" est la caractéristique même de tous ces ministres qui se sont succédé depuis 30 ans, et ont laissé derrière eux le champ de ruines des "carrières" enseignantes.

 

Le 22 février, Pap NDIAYE parle maintenant d'un "demi- pacte" après avoir parlé d'un "pacte", et plus les semaines passent, plus ses déclarations se multiplient sur le sujet, plus l'inquiétude des professeurs grandit, et plus la méfiance de leurs syndicats s'accroît.

 

Et en parallèle, le projet, très précis celui-là, du recul de l'âge légal de départ en retraite de tous les actifs, sans qu'un "plus tard" ne soit avancé.

 

Systématiquement, ce qui est négatif pour les salariés est appliqué immédiatement dans ce pays une fois la loi votée, et ce qui est positif, vient "plus tard".

 

Lors de la loi portant réforme des retraites de 2003, l'article 77 qui proposait des "secondes carrières" aux professeurs "à partir de 15 ans d'ancienneté", n'est toujours pas appliqué. Tout au plus l'Education nationale vient d'en créer une centaine par an depuis la rentrée 2019 (16 ans plus tard, donc, comme pour préparer le terrain à la prochaine réforme des retraites, qui devait avoir lieu juste avant la Covid19 !)  via le statut d'Attaché d'administration pour combler les forts départs en retraite des gestionnaires de collège et de lycée chargés de faire les comptes des EPLE.

 

Alors si les syndicats acceptent de signer la création du Pacte, c'est qu'ils ont compris, et acceptent, tout ce qui va suivre: l'application progressive des préconisations du Rapport LONGUET, qui cherche comme la Cour des Comptes à réduire le nombre de professeurs, pour les faire travailler toujours plus, en conditionnant toute augmentation, à cette quantité de travail en plus.

 

Combien de professeurs signeront le Pacte ou le demi-pacte ? Certainement des milliers qui manquent d'argent, qui ont besoin de payer leur crédit immobilier ou de survivre tout simplement parce que leur SMIC DE PROF ne leur permet pas de vivre correctement dans les académies les plus chères de France (VERSAILLES, PARIS, CRETEIL) ni dans les métropoles régionales où le coût de la vie est nettement plus important qu'au fin fond de la Lozère ou de l'Aveyron.

 

Le Ministre Pap NDIAYE semble mal connaître les us et coutumes de l'administration qu'il dirige depuis peu, de l'intérieur: ce qui est "facultatif" devient rapidement obligatoire, ou fortement incitatif, sous peine de représailles de l'inspecteur, d'une manière ou d'une autre. Les professeurs des écoles qui se voient "proposer" la mission de "directeur d'école" connaissent bien ce "facultatif": il est de bon ton pour sa carrière (et plus tard son accès à la hors-classe et in fine pour 10% seulement des professeurs, à la classe exceptionnelle, après des années de stagnation salariale), de ne pas refuser.

 

Pap NDIAYE souhaite redonner ses lettres de noblesse à la profession ?

 

Voilà le mot très fort que lui adressent les professeurs actuellement sur les réseaux sociaux, qu'il devrait entendre, sinon lire:

 

#payetesprofs

 

Nous nous sommes attardés sur les grilles actuelles des professeurs des écoles et des professeurs certifiés, strictement identiques alors que ce n'est pas exactement le même métier ni la même charge de travail (celle des professeurs des écoles est bien plus importante que celle des professeurs certifiés), en présentant les choses d'une autre manière, par âge d'entrée et d'ancienneté.

 

Si tu deviens professeur après 45 ans, tu n'atteindras jamais la hors-classe, et ton salaire indiciaire sera donc toujours coincé entre les bornes de 1.468,87 € à l'échelon 1 et 2.558,27 € à l'échelon 11 (données de juillet 2022 du syndicat Se-Unsa).

 

Anciennetés établies d'après les grilles de "carrières" des professeurs certifiés et professeurs des écoles :

Ancienneté

1 an

 

1,1 à 2 ans

 

2 à 4 ans

 

4 à 6 ans

 

6  à 8,5 ans

 

 8,6 à 11,5 ans

 

11,6 à 14,5 ans

 

14,6 à 18 ans

 

18,1 à 22 ans

 

22,1 à 26 ans

 

26,1 et plus

Salaire Brut

1.891,51 €

 

2.138,86 €

 

2.172,81 €

 

2.235,87 €

 

2.308,62 €

 

2.386,22 €

 

2.517,17 €

 

2.701,47 €

 

2.861,52 €

 

3.050,67 €

 

3.264,07 €

Salaire Net

1.468,877 €

 

1.665,19 €

 

1.692,14 €

 

1.742,18 €

 

1.799,91 €

 

1.861,51 €

 

1.965,44 €

 

2.111,73 €

 

2.238,75 €

 

2.388,89 €

 

2.558,27 €

 

Indice 2023

390

 

441

 

448

 

461

 

476

 

492

 

519

 

557

 

590

 

629

 

673

Différentiel

0

 

+ 51

 

+ 7

 

+ 13

 

+ 15

 

+ 16

 

+ 27

 

+ 38

 

+ 33

 

+ 39

 

+ 44


Dans le tableau de l'échelle de rémunération des professeurs des écoles et des professeurs certifiés ci-dessus, de loin les effectifs majoritaires chez les professeurs, on remarque:

 

1) Une progression inégale d'un indice à l'autre au fil de l'ancienneté.

 

Ceux qui viennent d'entrer par concours comme professeur croient bien gagner leur vie pendant 2 ans, juste le temps de les titulariser, et donc de les bloquer dans un statut dont ils ne sont pas prêts de repartir de sitôt, car la technique de l'Education nationale est d'empêcher qu'ils repartent, en multipliant à leur encontre des "nécessités de service" lorsqu'ils manifestent l'envie, en cours d'année scolaire ou aux rentrées suivantes, de partir.

 

Une prime d'attractivité et une prime d'installation viendront grossir la paie des nouveaux titulaires, pendant 3 ans. Après, ils auront le sentiment de gagner moins... sauf en acceptant de SIGNER LE PACTE.

 

Regarde bien ce tableau: de 2,1 à 11,5 années d'ancienneté le salaire n'augmente que de 51 points d'indice (1 point vaut 4,85 depuis juillet 2022) soit 247,35 € bruts, soit 195,40 € nets. Si l'inflation est de 6% en moyenne par an, au bout de ces 11,5 - 2,1 = 9,4 ans, vous êtes tout simplement perdant, financièrement. Une forte inflation, et elle va durer tant que le conflit en Ukraine durera, Vladimir Poutine le dirigeant russe n'ayant aucune intention, à le tête de la plus grande puissance mondiale par la superficie du territoire (34 fois la France, 2,5 fois l'Union européenne, 1,9 fois les Etats-Unis) et des plus grandes ressources mondiales, l'intention de lâcher prise. Cela paraît évident à n'importe quel observateur. L'inflation va de nouveau faire partie durablement de nos vies, puisque la BCE a baissé la garde pendant la Covid19 en votant à l'unanimité la levée des 5 critères de stabilité de l'euro.

 

Prenons l'exemple du professeur de plus de 2 ans d'ancienneté, qui accède à l'indice 448. Il a gagné 7 points d'indice de plus seulement. Soit 26,95 € nets de plus par mois. Il est difficile de savoir combien d'impôts seront décomptés de cette somme, ça dépend des revenus par foyer. 323,40 € par an d'augmentation, de sa 2e année à sa 4e année. Pendant 2 ans, il gagne 646,80 € de plus seulement que son salaire de 1,1 à 2 ans de métier. Si l'inflation est de 6%, il perdra 19,40 € chaque année, soit une perte sur 2 ans de 38,80 €. Il aura donc été augmenté de 608,00 € sur 2 ans. Et les inflations des produits du quotidien (alimentation, chauffage, électricité, eau) sont tellement importants, qu'il aura eu le sentiment de stagner financièrement.

 

Le même cauchemar se répète de ses 2,1 à 11,5 ans, alors que c'est l'âge auquel les couples veulent acquérir un bien immobilier, monter des projets, profiter de la vie.

 

Le professeur, lui, est écarté du niveau de vie confortable qui aurait été le sien si avec son Master2 il avait choisi de passer un concours administratif de catégorie A (les attachés d'administration doublent leur salaire indiciaire avec leurs primes fixes et variables grâce à la technique du RIFSEEP), ou s'il avait réalisé un Master2 de Droit, de Finances, de Fiscalité, d'Economie, d'Assurance, d'Administration des Entreprises, de Management, de Ressources Humaines.

 

- Le professeur achète son bien immobilier à restaurer, rarement neuf. 

- Le professeur achète une voiture d'occasion, rarement neuve, sinon en leasing.

- Le professeur guette son découvert dès le 20e jour du mois.

- Le professeur peut difficilement épargner, et doit trouver des astuces en famille ou chez des amis pour bien profiter de ses semaines de congés scolaires.

- Le professeur peut difficilement investir, sauf en se privant.

- Le professeur ne possède aucun avantage digne de ce nom:

* pas de résidences de vacances à faible tarif détenus par son comité d'entreprise (l'association PREAU n'est pas un comité d'entreprise, mais une association loi 1901 dotée dès le départ de moyens de financement par l'Education nationale pour fonctionner, sans pouvoir proposer autre chose  que des micro-réductions similaires à celles proposées partout ailleurs par les sociétés qui les proposent)

* pas de circuits ni de séjours de vacances à bas tarif

* pas de voiture de fonction

* pas de portable de fonction

* pas de logement de fonction

* très peu de primes en regard de son salaire net. A peine 10%, alors que les cadres administratifs peuvent avec le RIFSEEP obtenir 50 à 100% de plus que leur salaire indiciaire, et parfois bien plus, s'ils ont été très zélés dans le cadre d'un projet ministériel de grande importance.

* une indemnité de rupture conventionnelle expérimentale accordée pour 15% seulement des demandeurs, uniquement au "taux plancher", sans négociation possible, contrairement à ce qu'énoncent les décrets du 31.12.2019.

 

D'après le tableau des indices, ce n'est qu'à partir de 11,6 ans d'ancienneté que le salaire du professeur va vraiment progresser.

 

Et c'est là qu'est le danger de la "revalorisation historique" des professeurs souhaitée par le Gouvernement actuel, qui va surtout augmenter le salaire des professeurs de 1 à 10 ans d'ancienneté, bien plus que les autres: le différentiel va fortement se réduire entre le 1er et le 11e échelons, et ceux qui ont plus de 12 ans d'ancienneté risquent même de gagner moins que ceux qui les précèdent. 

 

Le danger de la revalorisation souhaitée par le Gouvernement, c'est de réduire à moins de 500,00 € nets le différentiel entre le 1er et le 11e échelon dans une carrière de 24 à 27 années.

 

Et le passage à la hors-classe ne se fait pour la majorité des professeurs qu'aux 10e et 11e échelon de la classe normale. Il est de plus très courant d'attendre 3 à 8 ans pour passer hors-classe, et le salaire stagne pendant ces 3 à 8 ans.

 

L'Education nationale affiche des salaires de fin de carrière que tu n'atteindras jamais si tu entres dans le métier de professeur à partir de tes 40 ans, puisqu'il te faudrait minimum 24 ans pour atteindre la hors-classe (car avec la réforme des PPCR sous HOLLANDE en 2015-2016, tu peux juste par tes bonnes inspections, gagner 1 an aux échelons 6, 8 et 9). 30% seulement des professeurs seront concernés. Les critères de sélection de ceux qui seront augmentés sont tellement restrictifs, qu'il vaut mieux ne pas compter dessus plus qu'un miroir aux alouettes.

 

Ainsi, entré dans le métier à 40 ans, ton salaire va varier seulement de 1.089,40€/mois en 24 ans au mieux, sinon en 27 ans, soit 45,39 € d'augmentation mensuelle à 40,34 € mensuel seulement. Soit une augmentation indiciaire de 283 points seulement, soit 72,5% de plus. Si l'inflation était de 6% par an pendant 27 ans, fais donc le calcul...

 

2) Avec la période sanitaire, le professeur n'est plus le seul cadre à exercer un métier de temps libre. Lui ne peut pas choisir ses jours de "travail à la maison", ce qui représente un sacré inconvénient en regard du cadre en entreprise ou en administration qui peut choisir quels jours télétravailler.

 

En parallèle, l'assureur, le banquier, l'ingénieur, le fiscaliste, l'expert-comptable, le notaire, l'huissier, le commissaire-priseur, le commerçant, l'artisan, le cadre administratif, le chef d'entreprise, le perçoivent comme le smicard qui s'occupe de leurs enfants, toujours en train de râler pour être augmenté, alors qu'il a tant de temps libre.

 

Mais avec la période post-covid19 et le télétravail à temps choisi qui se pérennise dans de nombreuses entreprises et services administratifs de l'Etat, le professeur a perdu le principal de ses avantages: le temps libre, et ce sentiment de télétravailler la moitié du temps. 

 

Désormais, en gagnant 2 à 8 fois plus que lui, tous les cadres du privé peuvent télétravailler, profiter de leurs enfants ou de leur temps libre. La période covid19 a sérieusement écorné les conditions de travail des professeurs, avec un Ministre qui n'avait pas hésité à  maintenir le plus possible leur présence devant élèves.

 

Le Master2 des professeurs est un diplôme dévalorisé par rapport à ce que ceux qui ont obtenu le même niveau de durée d'études, obtiendront de leurs employeurs respectifs, avec des perspectives de carrière bien plus rémunératrices pour la majorité d'entre eux.

 

Alors que les professeurs ne seront qu'1 à 2% à pouvoir accéder à des emplois de direction, d'inspection, d'administration, dans toute une génération, pour espérer gagner 2 à 4 fois plus que leur salaire initial.

 

3) Devenir professeur titulaire, c'est perdre ta liberté de mobilité professionnelle, la flexibilité de partir avec 2 à 3 mois de préavis comme dans le privé: prends en bien conscience, c'est très important.

 

Devenir fonctionnaire, c'est devoir accepter l'absence de flexibilité en matière de mobilité, et ça, depuis des décennies, l'Etat le cache, et les syndicats, en bonne co-gestion des carrières, le cachent aussi.

 

Depuis 2006 AIDE AUX PROFS l'a dit régulièrement dans toutes ses interviews, mais la majorité des journalistes a "coupé au montage" nos propos. Car en France, le système préfère cacher la réalité des choses, car il manque de professeurs.

 

Mais la réalité est bien celle-là: le système de l'Education nationale, a contrario de tous ses homologues européens, et même américain et canadien, n'est pas flexible. Il est trop centralisé, et fonctionne toujours avec des affectations par mutations nationales pour les professeurs du Second degré, et par affectations départementales pour les professeurs du Premier degré.

 

Le système est incapable de penser les mobilités intra et extra fonction publique en-dehors de calendriers de gestion directifs édictés par les services du DGRH national, et limités au 31 mars de chaque année précédant une rentrée.

 

- Une demande de disponibilité pour convenances personnelles doit s'anticiper dès fin novembre à fin décembre quelle que soit l'académie, soit 9 à 10 mois avant.

 

- Un recrutement en détachement doit s'anticiper 5 à 6 mois avant.

 

- Une démission, une rupture conventionnelle (85% sont refusées !) doivent s'anticiper 6 mois au moins avant le départ souhaité.

 

Ce système de gestion des mobilités est en total décalage avec la période post-covid19 qui a bien montré que des millions de salariés souhaitent maintenant réaliser leur mobilité au moment où ils le souhaitent, à tout moment de l'année, vers le département et la commune de leur choix, sans en être empêchés, sans avoir à attendre 5 à 15 ans comme c'est le cas de ces pauvres professeurs qui se sont laissés piéger par l'attrait de la sécurité d l'emploi sans que personne ne leur écrive noir sur blanc, comme nous le faisons actuellement, l'inconvénient majeur du métier de professeur en France.

 

Dès 2014 nous avons proposé à l'Education nationale un système de départ au fil de l'année, avec un préavis de 2 à 3 mois, et des départs corrélés aux périodes de petits et grands congés scolaires. Cela a été examiné, mais refusé "car nous manquons de professeurs".

 

 

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01.06.2019_PROPOSITION_LOGISTIQUE_DETACH
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19.05.2008_La_Lettre_de_Leducation_n° 59
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Pour que le métier de professeur redevienne attractif pour les étudiants et les salariés du privé, l'Education nationale doit supprimer les nécessités de service.

 

Nous ne comptons plus les professeurs qui nous ont contactés, désespérés de devoir abandonner ce magnifique poste dans le privé sur lequel ils avaient réussi à être recrutés, pour tout simplement quitter un métier qui les faisait souffrir, ou qui ne les rémunéraient pas assez, à cause d'un empêchement de leur hiérarchie, de les laisser partir. Les professeurs, malgré leur Bac+5, sont des cadres infantilisés. Ils ont perdu leur liberté de disposer d'eux-mêmes au pays de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui le promettait, pourtant.

 

Nous ne comptons plus les professeurs empêchés d'obtenir leur demande de disponibilité pour convenances personnelles, pour démission, pour rupture conventionnelle, accordées au compte-gouttes.

 

 

Rémunérations brutes et nettes des professeurs : (source: SE-Unsa)

- Agrégés

- Certifiés

- Professeurs des Ecoles

- PLP

 

Alors, la revalorisation des professeurs pour la rentrée 2023, avec le pacte ou le demi-pacte que faut-il en penser ?

 

C'est juste une augmentation déguisée de leur temps de travail, qui sèmera la zizanie dans les équipes en salle des profs, sans améliorer réellement le pouvoir d'achat de 100% des professeurs, en dégradant les conditions de travail, dans un ministère où la santé des professeurs au travail manque de moyens, avec la suppression depuis 2010 de la Cessation Progressive d'Activité qui permettait aux professeurs d'enseigner 50% payé 80%.

 

Travailler plus pour gagner plus, semble être le leitmotiv du Gouvernement, qui a emprunté la formule à un ancien Président de la République. C'est sa politique qui est poursuivie par le Gouvernement actuel. Ni plus, ni moins.

 

C'est la volonté d'aller vers l'annualisation du temps de travail sur site des professeurs, alors qu'ils n'exercent pas tous la même discipline, n'ont pas le même temps de préparation de cours, la même charge émotionnelle selon les âges. 

 

C'est la poursuite de l'inégalité de traitement, et un manque d'ambition dans la revalorisation des professeurs, après plus de 12 ans de gel du point d'indice des fonctionnaires, qui n'a pas été assez revalorisé à l'été 2022 (3,5% de plus alors que l'inflation a été de 6% sur l'année).

 

Ce Pacte n'est pas respecter les professeurs, surtout après tous les efforts fournis pendant les "années Covid".


Et pourquoi le Gouvernement se presse-t-il tant de faire travailler plus les professeurs avec cette idée de Pacte ?

 

Tout  simplement parce que les perspectives de départs en retraite des professeurs placent l'Education nationale dans une situation très délicate jusqu'en 2045 au moins, avec 60% de départs des professeurs actuels.

 

L'idée est de parvenir à réduire la masse salariale, en la faisant travailler toujours plus. Et en reculant l'âge de sa retraite légale, il y a fort à parie que de plus en plus de professeurs ne l'atteignent jamais.

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Départs estimés vers la retraite des professeurs en France jusqu'en 2042
24.02.2023_DEPARTS EN RETRAITE ESTIMES D
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