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Professeurs, la revalorisation en trompe-l'oeil


A chaque fois, les syndicats revendiquent haut et fort et font rêver 867.000 professeurs pour une énième revalorisation destinée à rattraper ce pouvoir d'achat qui n'en finit pas de s'étioler au fil des ans.

 

2022-2023 aggrave la situation avec une inflation démesurée jamais vue depuis 1985, et 2023 représente encore l'inconnu après ces 6,1% d'inflation en 2022.

 

Les professeurs actuellement ont la gueule de bois. La revalorisation tant promise s'est fait bien discrète depuis la rentrée 2022, était grande absente le 1er janvier 2023, et ce qui fuite actuellement des pourparlers avec les syndicats ne laisse pas d'en inquiéter plus d'un.

 

Finalement, au-delà du 9e échelon, les professeurs les mieux payés verraient leur revenu non revalorisé, touchés de plein fouet par l'inflation.

 

Progressivement, c'est certain, le différentiel entre la 1re année et la 43e année pour ceux qui resteront enseigner 43 ans sans changer de métier (ils seront de moins en moins nombreux sur la période 2023-2045, période de papy boom des salariés), sera de plus en plus étroit si les politiques conduisent à augmenter systématiquement les jeunes, et pas les professeurs expérimentés.

 

Lors des PPCR de 2015-2016 (Parcours Professionnels Carrières et Rémunérations), les Agrégés y avaient beaucoup perdu, avec une augmentation très réduite de points d'indice, rendant leur grade nettement moins attractif en regard de l'investissement intellectuel à réaliser: certainement une technique de l'Education nationale pour chercher à réduire le renouvellement de ce corps, implicitement.

 

Les grilles actuelles, en salaire brut

 

- Professeurs des écoles et professeurs certifiés, professeurs de lycée professionnel, tous logés à même enseigne. L'écart entre 1er échelon de classe normale et dernier échelon de la hors-classe est de 110% sur 43 ans. Il est désormais acquis depuis les PPCR qu'un professeur accède au moins à la hors-classe durant sa carrière.

 

- Professeurs agrégés. L'écart entre 1er échelon de la classe normale et dernier échelon de la hors-classe est de 116% sur 43 ans. L'agrégation est nettement plus sélective que le CRPE, le CAPES et le PLP, et la Société des Agrégés reste attachée à ce que l'on ne brade pas ce titre aux concours externes.

 

Les classes exceptionnelles, seuls 10% d'une génération y parviendra en 43 ans de carrière, aux taux actuels d'éligibilité. C'est très peu.

 

Une communication qui inquiète plus qu'elle ne rassure

 

Les syndicats sont inquiets, et pour cause: le Ministre annonce une revalorisation à partir de septembre 2023, avec des % d'augmentation qui seraient précisés en octobre 2023... Cette revalorisation se produirait quand, alors ?

 

Tout est focalisé sur le début de carrière avec l'objectif de "2000,00 € nets", alors que le SMIC est revalorisé chaque année, et rattrapera peu à peu, avec l'inflation 2023, la revalorisation des professeurs tant vantée. Nul doute que dans 1 à 2 ans, si l'inflation se poursuit, puisque les embargos contre les productions russes sont encore loin d'avoir produit tous leurs effets sur les prix en Union européenne, cette revalorisation aura juste été une tentative de compensation de l'inflation.

 

Juste ça.

 

Comme le soulignait fort justement le Secrétaire général du Se-UNSA, Stéphane CROCHET en septembre 2022 dans un article publié par Ouest-France, "on va se retrouver avec une grille des salaires très courte qui commence à 2.000,00 € nets et se termine 43 ans plus tard à 3.000,00 € nets", hors primes (tellement faibles en regard de ce que touchent les attachés d'administration, que les professeurs sont la risée de tous les agents de catégorie A pour le peu qu'ils perçoivent).

 

1.000,00 € de plus en 43 ans, cela fait 23,25 €/année en plus, en moyenne.

 

Autant dire que le métier de professeur exercé par concours deviendra répulsif, puisqu'en parallèle de nombreux métiers dans les collectivités territoriales comme dans les entreprises privées, sont en tension, et que les employeurs privés n'hésitent pas, pour attirer de nouveaux talents, à s'adapter avec réactivité à l'inflation.

 

Comment attirer des jeunes et des moins jeunes ?

 

Il est évident qu'un grand bouleversement se prépare et que la mesquinerie du Gouvernement envers la masse des professeurs, s'explique uniquement par la forte tentation, déjà née sous Nicolas SARKOZY à la fin de son quinquennat en 2011-2012, d'augmenter fortement le recrutement de professeurs contractuels, et d'en finir avec une Fonction Publique à vie pour un Ministère non régalien, le métier de professeur devenant ainsi une variable d'ajustement facile du taux de chômage dans les départements.

 

Les jeunes qui consultent le tableau comparatif des salaires des pays européens, américain, canadien, et de l'Australie, peuvent à l'évidence éprouver l'envie de s'expatrier pour ne pas subir, dès l'obtention de leur Master2, un véritable déclassement salarial en regard de ce que leurs amis étudiants d'autres filières obtiendront dès les 2 à 5 ans dans leurs métiers respectifs.

 

Il semble que le métier de professeur ne soit le métier le plus beau du monde que parce que les politiques ont décidé d'y faire de grandes économies. L'engagement de ceux qui deviennent professeurs est d'autant plus louable qu'ils feront toute leur vie partie des classes moyennes, et que leur retraite de plus en plus lointaine les fera revenir à la précarité de leurs premières années d'enseignement, pour ceux qui, d'autorité, ont été affectés pour les 2/3 dans les académies les plus chères de France, CRETEIL et VERSAILLES.

 

Le métier de professeur, dans le contexte d'une crise sanitaire qui a permis le développement du télétravail dans la région de son choix, sans se voir imposer une mutation à Triffouilly-les-Oies ou à Petaochnok, va une fois de plus pâtir des choix lents et flous qui sont actuellement réalisés.

 

Les professeurs espéraient une prise en compte des efforts puissants qu'ils ont faits durant ces 3 ans de crise sanitaire pour faire fonctionner leur l'Ecole, et on leur donne l'impression de leur jeter des miettes tout en parlant de revalorisation historique.

 

La France semble peu à peu tourner le dos à l'idée de disposer des meilleurs professeurs, en les limitant à ses meilleurs établissements, là où continuent d'être formés les futures élites de la Nation. Le reste...

 

Les jeunes resteront 5 à 10 ans, grand maximum

 

Si l'on considère tous les efforts réalisés pour attirer les jeunes, ils pourront espérer gagner correctement leur vie pendant 10 ans, avant de constater que la disparition de leur prime d'attractivité, de leur prime d'installation, et des récentes augmentations, les feront revenir à des salaires nets inférieurs à ce qu'ils touchaient dans leurs 2 premières années. 

 

Le turn-over va s'accentuer, et il sera vivifiant, dans un ministère trop habitué depuis plus d'un siècle à ce que ses ressources humaines restent là où elles sont, sauf en décidant de grimper les échelons de la pyramide hiérarchique par la voie de la direction d'établissements, de l'inspection, ou de l'administration.

 

Devenus professeurs vers 22-24 ans selon le nombre d'essais à leur concours d'enseignement, ils auront tout intérêt s'ils veulent gagner plus, et beaucoup plus vite que ceux qui se contenteront d'attendre leur prochain échelon, de réaliser leur mobilité vers le privé à partir de leurs 35 ans, le bon âge avec de l'expérience pour être recruté(s). Ce sera mieux que d'attendre leurs 30 ans d'ancienneté pour obtenir le salaire de départ d'un jeune diplômé en Assurance, en Fiscalité, en Finances, en Commerce, en Marketing, d'un jeune ingénieur, d'un jeune consultant, d'un diplômé du numérique, de l'informatique, etc.

 

Ils auront donné un sens à leur vie, en réalisant parfois une expérience humanitaire dans certains établissements siglés REP, REP+.

 

Les moins jeunes trouveront dans l'enseignement, après une vie dorée ailleurs, le temps de vivre, à partir de leurs 50 ans

 

A partir de 50 ans, le taux d'activité se réduit fortement chez les actifs, et il ne reste actuellement en emploi que 56,1% des 50-64 ans. Ceux qui ont du mal à retrouver un emploi n'auront aucun mal, s'ils possèdent au moins une Licence (voire un Bac+2 pour les lycées professionnels), à être recrutés dans leur département de résidence pour des remplacements au mois ou à l'année.

 

Et cela permettra de remonter le % d'actifs de 50-64 ans en emploi, et d'éviter qu'ils perdent des trimestres pour leur pension de retraite future.

 

Ils n'enseigneront pas assez d'année pour se lasser, pour se scléroser comme ceux entrés dans le métier dès leurs 22 ans et épuisés en fin de carrière.

 

Et le métier de professeur en France deviendra un métier de passage, de transit, d'une envie de reconversion à une autre, sous forme d'étapes dans des parcours professionnels diversifiés.

 

Ceux de plus de 50 ans auront eu ailleurs des revenus 2 à 4 fois plus importants que ceux d'un professeur, et auront eu le temps de devenir propriétaires, d'acheter plusieurs logements à  louer, d'acheter leur résidence secondaire, et il leur restera à redonner à l'Ecole leur expérience, et cette Ecole leur laissera du temps de vivre, puisque beaucoup choisiront d'enseignement à mi-temps ou à temps partiel.

 

 

Devenir professeur, c'est exercer un métier de lutte perpétuelle pour gagner plus, et pour de meilleures conditions de travail

 

Quelle belle perspective que de préparer un Master2 et un concours sélectif pour entrer dans une lutte des classes continuelle, pour réclamer sans cesse à chaque nouveau ministre, une revalorisation !

 

C'est vraiment motivant, d'entrer dans cet univers de solidarités collectives, avec des salles de profs où chacun râle de gagner si peu en regard du temps de travail qu'il investit au quotidien pour faire du mieux qu'il peut auprès de ses élèves. 

 

Il faut beaucoup d'abnégation, de renoncements, pour se dire "je vais exercer un métier où je serais souvent à découvert, parce que ce que l'on m'y paiera, ne me permettra jamais de devenir riche. Juste de payer mes factures, et de partir de temps en temps en vacances, sur toutes les semaines des congés scolaires, sans bénéficier d'un parc immobilier de résidences à bas coût, ou d'un comté d'entreprise digne de ce nom avec de multiples avantages sociaux".

 

Et avec un peu de chance, certains de ces professeurs toujours mal revalorisés, auront eu le plaisir d'avoir formé de futurs députés, sénateurs et ministres, comme les actuels, qui ont oublié depuis longtemps ce qu'ils doivent à tous leurs professeurs de jadis.

 

Taux de chômage des 50-64 ans

 

Un vieil article de ... septembre 2022

 

Un enjeu de société: le retour au travail des plus de 50 ans

 

Des syndicats insatisfaits des propositions de revalorisation du Ministère de l'Education nationale

 

En 2023, AIDE AUX PROFS publie des dessins inédits de LASSERPE - Tous droits réservés à l'association AIDE AUX PROFS.

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