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Stéphanie, de CPE à Coach en Equithérapie


 

Stéphanie, Conseillère Principale d'Education puis Proviseur de Lycée, a démissionné pour devenir Coach en Equithérapie.

 

Interview de Rémi BOYER pour AIDE AUX PROFS

 

Vous avez d'abord été CPE : pourquoi ce choix et que vous a apporté ce métier ?

 

"Je suis partie vivre aux USA quand j'avais 20 ans. J'y étais partie pour me trouver et apprendre à être moi sans être la fille de, ou la soeur de, ou la cousine de...J'y suis restée un an et demi et j'y ai roulé ma bosse. Après mon retour, j'ai commencé comme surveillante d’externat et j'ai rencontré une femme formidable qui accompagnait les jeunes. Elle était CPE et j'ai eu la certitude que c'était cela que je voulais faire. Je n'avais pas envie de devenir enseignante parce que je préfère les relations individuelles aux relations collectives. J'ai donc passé le concours pour accompagner des jeunes individuellement. CPE était le meilleur moyen que j'ai trouvé puisque je n'avais pas la formation de Psy pour devenir COP."

 

Quel est le quotidien du CPE ? Y a-t-il plusieurs voies pour y parvenir ? Est-ce une bonne évolution professionnelle pour un professeur ?

 

"Dans le quotidien d'un CPE on gère les élèves aux moments où ils ne sont pas en cours, les interclasse, la demi-pension, les permanences, les exclusions etc... On accompagne les jeunes dans leur motivation à trouver du sens à l'école, et parfois elle en a peu pour eux. J'ai exercé dans des zones difficiles et le sens de l'école est particulièrement difficile à trouver pour une partie d'entre eux.

 

Le CPE gère la "vie scolaire" qui est de placer les enfants dans les meilleures conditions d'apprentissage individuelles et collectives et d'épanouissement personnel (voir la circulaire n°82-482) L'épanouissement personnel est bel et bien ce qui participe de l'apprentissage et qui permet aux enfants de réussir. Le CPE gère aussi les délégués (et plus globalement la citoyenneté à l'école) Il anime les élections avec le professeur principal et évalue les élèves dans leur engagement de citoyenneté à l'école.

 

Pour devenir CPE il y a plusieurs moyens : le concours interne (si on fait déjà fonction) ou le concours externe. Quand on est enseignant on peut passer le concours interne.

Souvent les enseignants choisissent une matière qu'ils aiment enseigner. Le CPE est un généraliste, il n'a pas de matière particulière. C'est un vrai choix, une vraie question de savoir quelle relation nous voulons avoir avec les enfants, si leur épanouissement personnel prime sur l'enseignement. Les relations avec les jeunes sont très différentes quand on est CPE que quand on est professeur. D'ailleurs souvent, compte tenu de l'histoire du surveillant général, les enseignants veulent que le CPE règle à leur place des problèmes de discipline et ce n'est pas le rôle du CPE. Le CPE fait un suivi global de l'élève, et apporte des informations sur qui il est aux enseignants, ce n'est pas un "surgé" qui punit. La part éducative de la sanction incombe à tous les membres de l'établissement."

 

Puis vous devenez chef d'établissement en 2009. Etait-ce la continuité de CPE ? Quel y était votre quotidien ?

 

"Après avoir été 17 ans CPE j'avais fait le tour et je souhaitais évoluer professionnellement. Intellectuellement je manquais de nourriture (intellectuelle) et j'ai choisi de m'orienter vers le métier de Perdir. (personnel de direction)

 

C'est à peu près la seule issue quand on veut évoluer puisqu'il n'y a pas d'agrégation pour les CPE (cela n'est pas étonnant puisque le concours est très complet en termes de contenu).  L'aspect global de la gestion des personnels, des moyens, ressemble à ce qu'on fait quand on est CPE : on anime une équipe de surveillants.

 

Je suis d'abord devenue proviseure adjointe en LPO (lycée polyvalent) et j'ai aimé participer à l'orientation des élèves, j'ai repris des études à ce moment-là et ai fait le master GDOS (Gestion et développement des organisations scolaires) J'ai créé une démarche qualité pour le service Vie Scolaire qui, dans mon établissement, ne fonctionnait pas bien. Et quand la Vie Scolaire ne tourne pas, on s'en rend rapidement compte. Quand elle fonctionne correctement, personne ne s'en aperçoit.

 

J'ai aimé être proviseure adjointe parce qu'être en binôme me convenait bien. J'aimais participer aux décisions, animer des réunions et accompagner les enseignants dans leurs difficultés. J'organisais les services des enseignants à travers la construction de l’emploi du temps et essayais de faire au mieux pour les élèves qui sont normalement au centre du système."

 

Dans l'Education nationale le chef d'établissement n'est pas le supérieur hiérarchique des professeurs mais il doit quand même les gérer. Comment assure-t-on cette mission ambiguë ?

 

"Quand j'étais proviseure adjointe je pouvais accompagner les professeurs dans leurs difficultés, comme principale j'ai dû aller à un niveau supérieur quand j'ai dû référer au SARH au sujet d'un enseignant qui malmenait les élèves. L'accompagnement n'était plus le même et je devenais "surgé pour profs" ce qui ne m'a pas convenu.

 

Le chef d'établissement "gère" les professeurs, c'est à un niveau administratif, c'est à dire peu humain. L'administratif prend une part considérable du travail et laisse peu de temps à l'humain (qui est ce que je préfère). On gère des postes des BPM, des heures, des budgets, des enquêtes, on fait des comptes rendus... Bref, peu de temps pour motiver les équipes, pour les aider à s'épanouir ce qui serait un facteur de réussite du changement prôné par le ministre quand il fait des réformes. Il faut faire appliquer des réformes pour lesquelles on n'est pas toujours d'accord et c'est difficile à faire surtout si on cherche à piloter l’établissement par les valeurs.

 

Mes enseignants, quand j'étais principale me percevait comme un "sbire" du ministre et, du coup, par principe, voulaient « me mettre à mort ». Par exemple quand j'ai choisi de garder tous les profs lors de ma répartition de DGH (Dotation Globale Horaire : qui permet de savoir quels postes on garde ou perd) le conseil d'administration a refusé de voter ma répartition. Si j'avais fait partir les deux enseignants qui devaient, Le CA aurait hurlé "haro sur le baudet" par corporatisme de principe. Cependant ils auraient eu plus d'heures supplémentaires et c'est finalement cela qu'ils voulaient. Quoi que j'aie fait, de toutes manières, cela n'aurait pas convenu. J'incarnais le "MEDEF" et j'étais donc « l'homme à abattre ». Il faut être prêt quand on devient personnel de direction à ce que les collègues oublient qu'on a été des leurs auparavant.

 

En réalité je n'ai pas eu de chance quand je suis devenue principale de collège parce que j'étais seule, je n'avais pas d'adjoint, et j'avais une gestionnaire qui était malade. Je devais, malgré ses efforts pour faire au mieux, gérer énormément de choses (travaux de l'établissement, SARH...) en plus de la réforme du collège que je devais appliquer.

 

On fait appel au SARH (Service Académique des Ressources Humaines) quand on a un problème avec un enseignant qui dysfonctionne, on écrit un rapport qu'on transmet et le SARH gère la situation de concert avec le Chef d'établissement pour solutionner le problème.

 

Mon corps n'a pas tenu la distance malgré ce que je croyais qu'il pouvait endurer. J'ai donc fait un burnout et me suis retrouvée épuisée et malade. Je ne pouvais plus rien décider, or, c'est la prérogative permanente et épuisante du chef qui doit décider de tout, tout le temps."

 

Lorsqu'un ou plusieurs professeurs entrent en conflit avec leur chef d'établissement, d'après votre expérience et vos observations, quelles sont les différentes manières de gérer cette situation ?

 

"Ce que j'ai vécu n'est pas le quotidien des personnels de direction. Je n'ai pas eu de chance. Les enseignants du CA avec qui j'avais maille à partir ont eu des méthodes relativement violentes : arriver à plusieurs dans mon bureau sans rendez-vous. Seule contre plusieurs le combat s'avère périlleux. J'ai d'abord choisi d'écouter les enseignants et quand je me suis rendu compte que quoi que je dise je n'arriverai à rien, alors j'ai tenté de me rapprocher de ceux avec qui je m'entendais bien et qui subissaient aussi la violence des collègues. Cela n'a pas produit d'effet parce qu'ils avaient besoin de tranquillité et qu'ils n'osaient pas s'exprimer dans la salle des profs comme ils le faisaient dans mon bureau.

 

L'enseignant que j'ai dû gérer suite à la violence dont il faisait preuve envers les élèves m'a demandé beaucoup d'énergie, le voir en entretien, faire des comptes rendus, transmettre au SARH, avoir le retour du SARH et attendre qu'ils le rencontrent pour que finalement il soit invité à demander sa mutation dans un autre établissement. Beaucoup d'énergie et de temps pour finalement pas grand’ chose. Il sévit toujours ailleurs. C'est simplement que les élèves auxquels il s'en prend ne sont plus les mêmes. J'ai eu un vrai sentiment d'échec parce que pour moi c'est l'élève qui compte le plus."

 

Quels sont vos meilleurs souvenirs de chef d'établissement ?

 

"Comme proviseure-adjointe j'ai aimé co-construire avec le chef de travaux les emplois du temps. J'ai aimé animer une démarche qualité sur la vie scolaire, et j'ai aimé accompagner les personnels en difficulté. J'ai aimé organiser des sondages de bien-être dans l'établissement pour les élèves et transmettre les résultats à la communauté éducative. J'ai aimé être en binôme et réfléchir à plusieurs.

Comme principale j'ai aimé animer l'équipe des agents avec qui je m'entendais vraiment bien. J'ai aimé être sur le terrain auprès des élèves qui appréciaient de me voir parmi eux."

 

Récemment vous avez démissionné de l'Education nationale : d'où est venu cette envie et quelles en ont été les étapes ?

 

"Au moment de la répartition de la DGH (dotation des heures poste), quand les enseignants ont refusé de voter ma répartition de postes, j'étais perdue et ne voyais plus comment m'y prendre pour avancer. Ma hiérarchie m'a alors conseillée de m'arrêter pour quelques temps, et quand je l'ai fait j'ai immédiatement su que jamais je ne pourrais retourner en établissement scolaire. Au bout de 2 ans de congé maladie, j'ai demandé à démissionner ce qui n'a pas été entendu par le rectorat. Il m'a été répondu qu'il était urgent d'attendre. Le rectorat m'a suivie administrativement, pas humainement. Il aura fallu 4 ans pour que j'arrive en fin de droit et qu'on me demande ce que je voulais faire... "il est urgent de faire quelque chose parce qu'administrativement cela ne colle plus". Je ne rentrais dans aucune case.

 

Pendant mon arrêt j'ai effectué un bilan de compétences parce que j'étais perdue et que je ne savais plus comment mener ma vie, j'avais perdu complètement confiance en moi. Le bilan m'a ramené sur l'accompagnement des personnes et j'ai repris des études de coaching. 

 

A ce moment-là j'ai rencontré un cheval qui m'a ouvert la voie vers l'équicoaching. Grâce à lui j'ai pris conscience qu'être était plus important que faire si je voulais vivre en cohérence avec qui je suis. Ce cheval a disparu de ma vie et j'ai compris que je ne pouvais plus jamais vivre sans les chevaux. Je me suis alors formée à l'équicoaching pour finir mon changement de vie.

 

L'équicoaching est semblable à l'équithérapie. L'équithérapie s'adresse aux personnes présentant un handicap, l'équicoaching s'adresse au tout venant."

 

Que faites-vous aujourd'hui ? Décrivez-nous votre quotidien.

 

"Aujourd'hui je suis chef d'entreprise. Je pilote ma vie pour qu'elle m'aille dans la marge de manœuvre que j'ai. Je suis coach et équicoach. J'ai enfin construit une vie qui va à mon rythme et qui me permet de m'épanouir en donnant le meilleur de moi à mes clients.  J'ai finalement compris qu'être soi était la seule chose à faire et que je devais aligner mon métier avec ce qui me donne de l'élan.

 

Au quotidien je construis ma vie et j'accompagne des gens. Je fais des séances de coaching, ou d'équicoaching selon que les personnes que j'accompagne aiment ou non le cheval. 

 

Je crée des ateliers de développement personnel facilités par le cheval, j'aide les personnes à s'aligner dans leur vie, à prendre des décisions qui leur conviennent, et à les aider à vivre les changements et les deuils. Pour avoir accompagné des fins de vie l'an dernier j'ai trouvé une légitimité à aider les aidants (qu'ils soient professionnels ou des proches). J'aime le sujet du changement et du coup j'aide les gens à mieux le vivre parce que c'est souvent une zone d'inconfort et de grande vulnérabilité. J'anime des séances sur la qualité de vie au travail avec des entreprises qui veulent faire évoluer leur management ou la gestion de leurs ressources humaines (en la rendant plus humaine) et qui commencent à comprendre que tenir compte de l'humain et de sa qualité de vie au travail est source de productivité.

 

Je démarche aussi des clients ou des prospects pour leur proposer mon travail (des médecins, des soignants ou des associations d'aide qui cherchent à soutenir les personnes dans leur santé mentale comme physique). J'écris des articles, je crée des vidéos pour montrer et partager mes projets, particulièrement le "projet attelage" de ma jument dont je souhaite qu'il apporte de la poésie au monde. Cet été il est probable que j'aille chercher des personnes âgées en maison de retraite pour les emmener boire un café ou manger une crêpe au café du coin en charrette ou que je fasse du ramassage de déchet verts dans la commune ou du ramassage scolaire.

 

J'ai construit un système avec plusieurs activités à faire afin de ne pas mettre tous mes oeufs dans le même panier et à avoir des revenus sur la totalité de l'année.

 

L'équicoaching en hiver par -5° dans la boue n'est pas très confortable. Je continue à me former pour le bien-être des animaux et des humains avec la Trust Technique et je vais pouvoir permettre à des personnes d'être dans une relation d'épanouissement avec leurs animaux quand ces derniers sont mal dans leur peau.

Je passe aussi du temps à de l'administratif, mais cela a du sens parce que j'ai trouvé du sens à mon existence."

 

Quels conseils donnez-vous pour un professeur qui souhaite devenir chef d'établissement ?

 

"Je suis mal placée pour donner des conseils parce que déontologiquement c'est contraire à mon métier qui consiste à faire trouver ses propres solutions à mes accompagnés et qu'en plus j'ai fait un burnout après 8 mois d'exercice....

 

En quelques mots peut-être :

- Vérifier que c'est un métier pour lequel on se sent prêt en termes de capacité à décider en permanence de tout et de rien.

 

- Vérifier sa capacité à s'adapter ou à mettre en place des réformes pour lesquelles on n'est pas toujours d'accord.

 

- Vérifier que l'on ne va pas à l'encontre de qui on est par pression d'un statut social reconnu.

 

- Vérifier qu'on sait s'organiser pour prendre du temps pour soi afin de se préserver".

 

ASPIRIENCE

 


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