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Laurent, de Professeur de Lettres à Galeriste d'Arts


Laurent : de Professeur de Lettres à Galeriste d’Arts

 

Quel a été son parcours professionnel ?

 

Après avoir poursuivi ses études jusqu’à un Doctorat de Lettres modernes sans soutenance de thèse, Laurent a eu besoin de vivre et est devenu Maître Auxiliaire en 1990 avant d’être titularisé par la voie interne grâce à un mémoire remarqué à l’époque par Jean-Luc MELENCHON et le Monde de l’Education dans le cadre du projet « aux arts lycéens » : « traces de violences ». Ce projet avait pour but (déjà !) de lutter contre la violence scolaire et 60 000,00 francs avaient été nécessaires pour le mettre en place, avec six artistes plasticiens dans le cadre d’un BEP en Lycée professionnel. Ce projet avait donné lieu à des publications, des spectacles, des vidéos, une réception à l’hôtel de LASSAY en présence de Lionel JOSPIN.

 

Cette expérience captivante a orienté de manière décisive la carrière de Laurent, qui crée en 1996 la galerie PICTURA.

Cette galerie associative se situe dans le centre-ville de BOURGES, et permettait à l’origine d’exposer les travaux en arts plastiques des élèves des quartiers défavorisés de Bourges, afin de valoriser leur travail, de les remotiver, puisque l’école ne le permettait pas toujours, en raison de programmes scolaires trop rigides.

La médiatisation de la venue de Monsieur MELENCHON a suscité des jalousies, tandis que Laurent fustigeait le manque de moyens dont il disposait pour pérenniser ce projet. 

Très rapidement, on lui a mis des bâtons dans les roues…rien ne pouvait plus se décider sans l’aval du Conseil d’Administration de son lycée, tandis que ses inspections pédagogiques se renouvelaient curieusement tous les uns à deux ans…jusqu’à un rapport d’inspection qu’il jugeât « déplorable, cassant, en 2003 », le plaçant en porte-à-faux avec sa hiérarchie. Dans l’Education nationale, les professeurs « trop visibles » ne sont pas du tout appréciés, s'ils ont décidé eux-mêmes "d'exister" dans une sphère extérieure à l'Education nationale.

 

De cette période date l’envie de Laurent de quitter l’enseignement, de se réaliser dans ce qui le passionne : l’art, l’organisation d’expositions, d’évènements culturels.

Sa galerie s’est ouverte à la production artistique des personnes handicapées moteurs et psychiques et a décroché un prix en 2003 puis en 2005-2006.

 

En unissant ses activités avec l’association ARGOS, ils créent ensemble le « festival des déglingués » à BOURGES avec six lieux de manifestations culturelles. 

 

Cette activité devenant de plus en plus prenante, Laurent ne supportant plus de devoir régulièrement justifier ses choix culturels, il obtient sa demande de disponibilité début 2008, en pleine année scolaire, ce qui demeure très rare, afin de lui donner cette chance de mener sa carrière comme il l’entendait.

 

L’association AIDE AUX PROFS considère qu’avec l’énergie que chaque professeur développe tout au long de sa carrière au profit de ses élèves et de leur avenir professionnel, il est tout-à-fait normal, le moment venu, de leur laisser choisir la date, tout au long de l’année, de leur départ, dès lors qu’ils ont bien anticipé leur projet de mobilité professionnelle. 

 

Nous sommes en effet souvent atterrés de constater que des professeurs qui avaient été recrutés par une structure pour un détachement se voient refuser leur départ en raison de « nécessités de service » peu explicites. Cette procédure ne fait qu’ajouter à la frustration et au découragement que certains professeurs ressentent au fil des années dans un métier devenu de plus en plus exigeant, avec un alourdissement croissant des tâches dans toutes les disciplines. 

 

Ainsi, un professeur qui aurait bien préparé son projet pourrait se voir accorder un préavis de deux mois, comme cela se pratique dans les entreprises privées, afin de réussir sa mobilité. Les services de gestion des ressources humaines, qui n’ont pas de difficultés à affecter des enseignants sur des périodes de 15 jours comme titulaire remplaçants, ne devraient donc avoir aucune difficulté pour accepter que des professeurs puissent, par exemple, programmer leur départ au moment des vacances scolaires dont la durée est de 12 à 15 jours : Toussaint, Noël, Février, Pâques, Etc.

 

Les « nécessités de service » qui empêchent les professeurs titulaires de repartir quand ils le souhaitent, bloqués dans toutes leurs demandes, doivent bien faire réfléchir les étudiants et salariés qui n’ont pas l’intention, en venant exercer ce métier, d’y passer toute leur vie. Il est préférable pour eux d’exercer uniquement comme professeurs contractuels, pour être certains de ne pas être bloqués lorsqu’ils auront envie de repartir, à n’importe quel moment de l’année.

 

« Il faut donc une motivation très importante et beaucoup de conviction, d’assurance, de confiance en soi, de persuasion, de patience, pour quitter un métier que l’on a apprécié, dans lequel on s‘est tant donné, pour aller vivre sa passion ailleurs » explique Laurent. 

 

C’est l’un des freins qu’observe l’association AIDE AUX PROFS, comme si le professeur n’était fait « que pour enseigner », alors qu’il développe dans sa carrière, à travers la diversité de ses expériences pédagogiques multiples, tellement d’autres compétences transférables.

Laurent accueille dans sa galerie les œuvres d’autres professeurs qui, comme lui, ont eu un jour envie de « quitter la classe » pour se réaliser professionnellement dans ce qui les passionnait, plutôt que d’attendre leur retraite…

 

Laurent aurait souhaité devenir formateur, mais force est de constater que personne ne l’a sollicité : c’est à nos yeux une perte de compétences pour l’Education nationale, alors que la clé d’un enseignement réussi, de la raréfaction des problèmes de discipline, se situe dans la motivation du professeur et dans sa capacité à mobiliser des classes entières autour de projets innovants, comme sait le faire Laurent. 

« Pour vivre, je suis directeur artistique de l’association PICTURA, qui fonctionne avec des subventions du Conseil Général du Cher et du Conseil Régional de la région Centre (ainsi que de la Ville de BOURGES). L’association vends des ouvrages, des reproductions d’œuvres, expose et vend des œuvres originales de différents artistes ».

 

Quelles compétences, mises en œuvre dans l’enseignement, avez-vous conservées ?

 

« Une approche plus didactique. Mes capacités à transmettre le savoir me servent énormément dans la relation client. De plus, je sais organiser des rencontres avec l’artiste, tout comme je savais mener mes projets avec mes classes ».

 

Comment vos anciens collègues ont-ils perçu ce changement d’orientation ?

 

 « Ils l’ont mal pris, en déplorant mon départ, car je leur apportais dans leur vie d’enseignant un peu de « vie réelle », puisque je travaillais depuis plusieurs années à mi-temps, et que j’avais ce regard extérieur qui leur manquait ».

 

Avez-vous eu des regrets de quitter l’enseignement ?

 

« Oui, je regrette ce contact que j’avais avec les élèves ». Pourtant, Laurent sait qu’il pourra toujours donner des cours de soutien à des élèves pour ne pas perdre cette facette de son premier métier.

 

Que pensez-vous de vos conditions de travail actuelles ?

 

 « Idéales, car c’était mon rêve. Je nage dans l’art contemporain, l’art classique, les livres et gravures anciens… Je dispose d’une grande autonomie, mon métier est synonyme de liberté. Je fais des conférences sur le livre, la gravure, l’image du Moyen-Age ».

 

Quels conseils Laurent donneriez-vous à une personne qui souhaite enseigner ? Et à une personne qui souhaite quitter l’enseignement ?

 

« Pour espérer réussir dans ce métier, il faut avoir la volonté de transmettre le savoir, et aimer les apprenants auxquels on s’adresse. J’étais d’accord avec Xavier DARCOS lorsqu’il disait qu’il faut « remettre le savoir au centre et redonner sa place au transmetteur .

 

 Pour ceux qui sont tentés de quitter l’enseignement, il ne faut pas attendre d’être dépressif pour le faire, car c’est la pire des conditions. Il faut vraiment anticiper, avoir un plan bien préparé, pour être sûr de savoir où l’on va. »

 

Que pensez-vous de la création d’une association comme AIDE AUX PROFS ?

 

 « Je pense qu’il est très important que ce genre d’association soit mise en valeur, qu’elle demeure indépendante de l’Education nationale . Quitter ses fonctions de professeur est difficile, car notre métier exige un investissement psychologique bien supérieur à d’autres métiers. Il faut vraiment beaucoup d’énergie ».

 


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