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Les professeurs titulaires subissent la nécessité de service


Nécessité de service

 

Le professeur, agent public titulaire, ne relève pas du Code du Travail, mais du Code Général de Fonctionnaires.

A ce titre, il est soumis aux décisions de son administration pour ce qui relève de ses demandes qui ne sont pas de droit.

 

Ainsi, un agent titulaire, et notamment professeur, se voit souvent refuser :

 

sa demande de mi-temps ou de temps partiel, qu'il s'agisse de faire des études ou de cumuler une activité

sa demande de détachement, impossible à obtenir en cours d'année scolaire, la seule date du 1er septembre étant pour l'instant acceptée

sa demande de Congé de Formation Professionnelle, les moyens budgétaires étant réduits pour ce type de congé de formation

sa demande de Compte Personnel de Formation. L'administration se réserve en effet la possibilité, même si l'agent y a droit, d'évaluer les projets qu'elle a envie de financer.

sa demande de démission simple sans indemnité, si sa Direction des Personnes Enseignants estime ne pas pouvoir le/la remplacer sur son poste

- sa demande de rupture conventionnelle avec ou sans (cas des professeurs en disponibilité depuis 2 ans au moment de leur demande) indemnité, pour les mêmes raisons

 

Le titulaire évolue bel et bien dans un carcan administratif de refus multiples qui l'empêchent de mener sa vie professionnelle comme il l'entend puisqu'être fonctionnaire, c'est "fonctionner", c'est être "soumis au bon vouloir de sa hiérarchie".

La nécessité de service est donc la contrepartie la plus lourde, la plus contraignante, de la garantie/sécurité de l'emploi que le fonctionnaire a obtenue par son concours.

 

Rien ne semble pouvoir supprimer ce mode de fonctionnement pour l'instant, tous nos efforts en ce sens après de multiples entretiens avec des hauts fonctionnaires d'un quinquennat à l'autre depuis 2006, ont été vains. La nécessité de service est un "outil de gestion des ressources humaines" qui permet à l'administration de bien planifier les "ressources" (= professeurs) dont elle a besoin devant élèves.

 

Les nécessités de service sont très nombreuses depuis 10 ans, depuis que l'entrée dans le métier a été élevée au niveau d'un Master2 + Concours. Cette politique de recrutement sans compensation par des augmentations de salaire conséquentes, a réduit le nombre de candidats aux concours d'enseignement. D'année en année, le taux de sélectivité se réduit dans certaines disciplines, tandis que certains départements pour le concours de Professeurs des Ecoles, en sont à recruter tous les candidats en liste complémentaire, jusqu'à des moyennes de 04/20 aux épreuves.

 

La nécessité de service empêche le professeur de réaliser comme il l'entend:

sa mobilité géographique. Plus de 65% des nouveaux professeurs nommés dans le 2nd degré, après réussite aux concours, sont affectés dans les académies de Versailles et de Créteil. Ils y resteront au moins 10 ans, parfois 15 ans, avant de pouvoir bénéficier de points suffisants pour revenir vers leur département d'origine. Ces professeurs pendant 10 à 15 ans connaîtront une précarité financière, car leur salaire, qui évoluera peu, ne leur suffira pas pour vivre correctement en région parisienne où le logement, l'alimentation, les transports, sont des budgets bien plus importants que partout ailleurs.

 

sa mobilité horizontale, en détachement, vers des postes de sa catégorie, hors enseignement. Son administration le/la bloquera autant que faire se peut si la mobilité souhaitée a lieu en cours d'année scolaire. Le système français de l'Education nationale manque totalement de souplesse, bien que l'on y parle quand même de "gestion des ressources humaines de proximité". Ce terme ne désigne que la possibilité de rencontrer un "Conseiller Proxi RH" proche de soi géographiquement, mais au pouvoir décisionnel nul, puisqu'il est juste là en conseil.

 

sa mobilité externe, en disponibilité ou par démission ou rupture conventionnelle.

Tous les processus de la Gestion des Personnels conduisent à lâcher le professeur uniquement au 1er septembre. Rendez-vous compte, 1 seul mois sur 12, alors que tous les autres titulaires de Master2 qui ont décidé de travailler comme professeurs contractuels, ou comme salariés dans le privé, peuvent réaliser leur mobilité 12 mois sur 12.

 

Avec le développement du télétravail, et le besoin de plus en plus prégnant des entreprises de nombreux salariés cadres, les étudiants et salariés qui possèdent un niveau Master2 ont nettement plus de chances d'obtenir un rythme de travail proches de leurs attentes en entreprise, que dans l'enseignement.

 

La crise sanitaire a fortement réduit en effet les rares avantages d'être professeur.

 

- Le sentiment de travailler en partie chez soi pouvait autrefois être vécu comme un privilège, mais il devient la norme chez les cadres depuis la Covid, et bon nombre de salariés obtiennent facilement les jours de leur choix, ce qui ne sera jamais le cas dans la GRH de l'Education nationale, puisque l'emploi du temps privilégie les élèves, et non les professeurs.

 

- Le sentiment d'avoir beaucoup de congés, alors que plus de la moitié sont occupés à préparer des cours et corriger des copies, quand ce n'est pas tout simplement à se reposer de la fatigue accumulée à enseigner, surtout depuis deux ans avec le masque, qui fatigue les cordes vocales et épuise psychologiquement plus d'un professeur. Le développement du télétravail pour les cadres en entreprise leur donne maintenant le sentiment d'avoir autant de congés que les professeurs.

 

En réalité, le professeur a peu d'avantages en regard de sa qualité de cadre A.

 

Il a obtenu un Master2 et ne bénéficie pas de tickets restaurant, de portable ou de mobile de fonction, ni de voiture de fonction, il n'a pas de primes statutaires aussi élevées que celle des Attachés d'administration, et il n'a pas vraiment accès à un Comité d'entreprise digne de ce nom, puisqu'il doit payer pour en bénéficier.

 

Alors, la nécessité de service est ce qui empêche le professeur de changer rapidement d'avis, de s'en retourner ailleurs dès qu'il en a assez. C'est comme s'il était prisonnier de son statut.

 

C'est pour cette raison qu'il est très important, si vous souhaitez devenir professeur, d'être conscient(e) de cette technique de Gestion des Ressources Humaines: vous ne serez pas libre. Vous serez totalement dépendant(e) du bon vouloir d'une administration.

 


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