Les conditions de travail sont très hétérogènes



Les enseignants en difficulté sont majoritairement des femmes.

 

Cela est en lien avec la forte féminisation des métiers de l’enseignement (93% des profs de Maternelle, 78% des profs de Primaire, 57% des profs du collège et du lycée), mais peut aussi s’expliquer par le cumul avec la vie de famille, qui, pour les femmes en couple, leur attribue, selon le journaliste et écrivain Yves DELOISON, dans son ouvrage "Pourquoi les femmes se font toujours avoir?" 75% des taches ménagères en moyenne, un chiffre qui varie peu : "Les femmes réalisent une double, triple, quadruple journée…jusqu’à n’en plus pouvoir ".

 

En moyenne, nous indique cet auteur, "les femmes passent 100 minutes de plus que leur conjoint au quotidien pour le ménage, la cuisine, le linge, les courses, etc. (…) À peine 56% des hommes sont prêts à faire la cuisine ou à sortir les poubelles, mais l’essentiel des taches pèse encore sur les femmes".

 

Dans le 1er degré, la majorité des Inspecteurs de l'Education Nationale (IEN) sont des hommes (près de 60%), qui semblent ne pas s'apercevoir que celles devenues professeurs pour lier vie de famille et vie professionnelle, sont surchargées de travail avec leurs tâches quotidiennes, l'éducation de leurs enfants, les femmes divorcées avec enfants payant le prix fort en matière de temps de travail. Les IEN n'ont pas d'états d'âme, ne réalisent aucune gestion des émotions, et les burn-out sont plus fréquents chez les professeurs du 1er degré que dans le 2nd degré.

 

Assurément, au 21e siècle, le métier de professeur des écoles est devenu difficile pour les femmes qui ont des enfants, et qui reçoivent peu d'aide de leur conjoint, voire pas du tout.



Le système aléatoire et parfois cruel des mutations


Dès la réussite au concours, l’enseignant se trouve confronté au système complexe des mutations de l’Éducation Nationale, le

barème favorisant les couples avec des enfants plutôt que les célibataires. Nombreux sont les étudiants à pratiquer le Pacte

Civil de Solidarité(PACS) pour obtenir un « bon barème » et éviter l’affectation sur des postes pénibles.

 

En 2012 en France, 46.5% des nouveaux enseignants du 2nd degré ont été affectés dans les académies de Créteil et de Versailles, pour remplacer des titulaires qui sont contraints d'y rester 10 à 15 ans, empêchés de muter, ce qui provoque des abandons de postes et des démissions.

 

Or, c’est dans ces académies, ainsi que celle de Paris, que le coût de la vie y est le plus élevé en France, en particulier pour le logement, les prix à l'achat comme  la location  (500,00 € sans les charges en moyenne pour une studette de 8m2 au 6e étage sans ascenseur à Paris) étant de plus en plus élevésLes néo-titulaires dont le salaire ne dépasse pas 1827.55 € bruts au 1er échelon (Professeur des écoles, professeur certifié, soit la majorité des professeurs), ce qui fera environ 1.460,00 € nets à la fin de leur 1re année, sont donc exposés dès leur entrée dans le métier à la précarité en région parisienne et in extenso dans les grandes agglomérations où il devient coûteux de se loger.

 

Dans de nombreuses entreprises privées, un Bac + 5 est beaucoup mieux valorisé financièrement, avec des perspectives de carrière et de salaire sur le moyen et le long terme nettement plus attractives (dans les banques, les assurances, les carrières juridiques, et même en devenant Attaché d'Administration via le concours des IRA, les primes de 1.000,00 à 1.500,00 €/mois étant alors monnaie courante.

 

Dans l’enseignement, la faiblesse des salaires de départ et la lente progression indiciaire peuvent concourir très vite à la frustration de ceux qui accordent plus d’importance à leurs revenus qu’au métier qu’ils ont décidé d’exercer. Cette motivation extrinsèque se heurte alors aux capacités de l’État à augmenter le salaire et le point d’indice de ses agents.

La stagnation du point d’indice dans la Fonction Publique de 2009 à 2016 a aggravé chez les enseignants le sentiment de dévalorisation progressive. Les traditionnelles hausses annuelles des prix alimentaires, des prix de l’énergie (transport, chauffage), des taxes et des impôts, finissent par entamer un salaire initial proche du SMIC, les professeurs ayant perdu près de 40% de pouvoir d'achat depuis 30 ans, abandonnés par la plupart des Gouvernements dans le maintien de leur pouvoir d'achat.

 

Dès l’entrée dans l’enseignement, l’ancien étudiant comprend que l’amélioration des conditions de travail est une lutte collective constante, soutenue par les nombreux syndicats de la profession, et qui n’aboutira pas toujours comme il le souhaiterait, car insoluble à une telle échelle, exigeant des moyens que l’État ne possède pas dans le contexte économique actuel, et ne retrouvera pas avant au moins 2050, du fait de la poursuite du papy-boom, qui pèse lourd dans le financement des retraites, avec une carrière qui ne cessera de s’allonger, d’après les décisions de la réforme des retraites de l’automne 2013. La masse salariale de l’Éducation Nationale est difficilement envisageable, sauf à endetter durablement l’État, d’augmenter tous les enseignants de plus de 100,00 € seulement par an (équivalent d’un caddie de courses pour un couple et deux enfants chez LIDL), ce qui revient déjà à dépenser des centaines de millions d’euros multipliés par les années qu’il leur reste à travailler.

 

Les enseignants sont donc une profession dont le pouvoir d’achat, dans le contexte économique actuel, est  et sera toujours très difficile à maintenir. 

 

Bien gagner sa vie ne doit donc pas être la motivation première d’un futur enseignant, même s'il ne peut travailler gratuitement. Le plaisir de la relation pédagogique avec ses élèves doit primer sur toute autre considération. 

 

L’affectation est une étape souvent mal vécue, car synonyme d’un parachutage dans une région fort éloignée de celle où l’année de stage a été réalisée. Pour de nombreux enseignants du 1er degré, les affectations sont connues à peine une semaine avant la rentrée scolaire, ce qui laisse peu de temps pour trouver un logement, déménager, s’équiper, se familiariser avec son nouvel environnement. Cette organisation propre à la GRH de chaque académie est l’une des principales sources de stress pour les néo-titulaires avant la rentrée scolaire.

 

Il y apparaît clairement que dans les académies très urbanisées (Aix-Marseille, Amiens, Créteil, Lille, Versailles) et dans les académies d’Outre-Mer (Guyane, Martinique, Réunion), un enseignant sur six au moins est affecté dans un établissement difficile dans un établissement APV (Affectation à caractère Prioritaire justifiant une Valorisation).

 

Proportion d'établissements difficiles selon les régions académiques les plus urbanisées:

 

Dans tous les établissements "prioritaires" siglés REP, REP+, ECLAIR, etc, le quotidien des professeurs est souvent rude, c'est un véritable choc psychologique, qui n'a rien à voir avec le bonheur d'enseigner que pourront éprouver rapidement ceux affectés dans de bonnes conditions, dans un petit collège rural, ou un bon lycée de petit ou moyenne ville de province, ou dans un lycée climatique, un lycée pilote, un lycée marin, ...

 

Il n'y a pas un métier d'enseignant, mais des métiers.

 

Certains auront la chance d'exercer aussitôt leur métier, le vrai, et d'autres seront au quotidien des éducateurs, des animateurs, des gendarmes, des psychologues, des coachs, en ayant le sentiment d'un énorme décalage entre leur formation théorique initial et la pratique du terrain.

 

Il est donc essentiel que vous vous prépariez à tout cela psychologiquement en réalisant votre Bilan de Personnalité.


Ces professeurs souffraient de leur affectation en nous contactant pour quitter leur métier


Tous les témoignages que nous diffusons sont strictement anonymés, les prénoms changés. Ils proviennent des formulaires de contact que plus de 16.600 professeurs ont complété en nous contactant, et que nous avons ensuite conseillés bénévolement. Dans le cadre de témoignages relatifs à la santé, que nous ont confié les personnes sans que nous l'ayons demandé, nous avons renforcé cette anonymisation pour conserver la nature de leur souffrance au travail.


Élise, 36 ans, Professeur des Écoles depuis 5 ans, qui se sentait la vocation pour ce métier, fait le même constat :

 

"Issue moi-même de ZEP, sauvée par des profs (d’où ma vocation), j’ai commencé à enseigner en région parisienne et j’ai vite été frappée par l’inutilité de mon métier, vis-à-vis des élèves eux-mêmes, des parents, de l’institution, de l’opinion publique,

puis de moi-même.

 

En demandant ma mutation dans une autre région et en enseignant hors de la ZEP, je pensais retrouver un sens à ce métier qui me prend aux tripes, mais malheureusement il y a une telle dégradation dans notre métier que je suis complètement démotivée. Je ne vois plus du tout à quoi les profs des écoles servent aujourd’hui."


Patrick, 33 ans, avec 9 ans d’ancienneté comme Professeur de Vente, Économie et Droit, exprime sa souffrance :

 

"Depuis ma titularisation, j’enseigne dans des établissements difficiles (en zone prévention violence) ou réputés difficiles.

 

Depuis que j’enseigne dans mon lycée actuel, l’administration me positionne sur des sections difficiles (violences verbales et physiques, élèves peu motivés, …).

 

Cette position quasi-quotidienne de conflit est usante et explique en partie ma

volonté d’évoluer professionnellement. Cette réalité d’ailleurs n’avait pas été évoquée lors de mes années de stagiaire en IUFM. Je ne me vois pas faire ce métier encore trente ans."


Nadine, 29 ans, enseigne depuis 7 ans l’Éducation Musicale en collège :

 

"Depuis le début de ma carrière, je me rends compte qu’il est temps pour moi de me réorienter. Plus le temps passe et moins je supporte le fait d’enseigner à des élèves contre leur volonté une matière basée sur le plaisir. À cela s’ajoute le rapport de forces quasi-quotidien pour faire régner un minimum de discipline

dans certaines classes, ce qui ne me va pas du tout. À cela s’ajoutent les conditions de travail du TZR qui ne sont pas toujours optimales et le refus de l’administration jusqu’ici de m’accorder un temps partiel... J’en suis arrivée au stade où il est temps de passer concrètement à autre chose.

 

J’ai le sentiment de ne pas être écoutée par l’administration et depuis un an, je cherche des informations un peu partout. Mon projet se construit de mois en mois. Cela fait du bien de parler avec des professeurs ayant le même profil car parler de ses difficultés et/ou de vouloir passer à autre chose est un sujet tabou dans cette institution."


Éric, 44 ans, enseignant en Sciences Physiques depuis 17 ans, fait le même constat amer :

 

"Mon début de carrière a été plutôt chaotique, dans l’académie de X il y avait une grosse pénurie de postes, j’ai donc été TZR pendant 12 ans, ballotté de remplacements en remplacements (collège, LP, lycée...) ce qui a considérablement freiné mon avancement de carrière."


Gwen, 33 ans, qui enseigne depuis 10 ans comme Professeur des Écoles, évoque une accumulation :

 

"Cela fait maintenant quatre ans que j’enseigne dans une école ZEP. Depuis déjà quelques années, le métier me sature, la démotivation se fait ressentir un peu plus forte pour chaque jour qui passe (elle est au maximum à ce jour) : ces temps

de préparations de cours et corrections inconsidérés, la pression de l’inspectrice, le comportement des élèves qui se détériore, le peu de reconnaissance… J’ai ce sentiment de ne plus m’accomplir dans le métier, je ne ressens plus de plaisir dans l’enseignement.

 

Comment motiver les élèves si je ne suis plus moi-même motivée ? J’ai eu le déclic il y a quelques semaines suite à des soucis personnels puis de santé, un épuisement émotionnel tel qu’il m’a conduit en arrêt pendant 6 semaines. À 33 ans, me reconvertir est une évidence pour moi. Je ne veux plus me consumer de l’intérieur par ce travail qui est la source de

ce mal-être."


Jean-Denis, 33 ans, certifié de Technologie depuis 3 ans, doute

déjà de ce métier :

 

"Après 3 années d’enseignement je me pose beaucoup de questions sur la poursuite de ma carrière dans l’enseignement. Les raisons de mon questionnement sont multiples ; je ne pense pas pouvoir supporter des adolescents qui sont dans une classe juste pour se divertir, j’enseigne une discipline qui n’est pas considérée et qui ne correspond pas à ma voie professionnelle initiale (électronique) et je considère que mon niveau d’études me permettrait d’enseigner dans des niveaux plus élevés tel que le lycée ou bien l’enseignement supérieur. 

 

De plus mes débuts dans l’enseignement m’ont obligé à me retrouver loin de ma région d’origine et mon statut de TZR avec une année scolaire à partager entre 2 ou 3 établissements n’ont pas aidé à maintenir ma motivation. Je pense que ma formation et que mon expérience professionnelle (plusieurs années dans le privé en tant qu’ingénieur avant de devenir enseignant) pourraient me permettre de me réorienter vers une fonction plus gratifiante que de demander à des élèves, pendant des heures, de se taire ou bien de travailler... Je ne suis pas éducateur !"


Blandine, 29 ans, Professeur des Écoles à plein temps, est remplaçante depuis près d’une décennie et n'en peut plus quand elle nous contacte pour démissionner avec Indemnité de Départ Volontaire (IDV) :

 

"Lassée d’exercer sous forme de postes fractionnés comme Brigade ZIL puis TRB, avec un sentiment de véritable gâchis d’énergie, de temps et de compétences, je ne souhaite plus qu’une chose : sortir de la classe. Je me renseigne actuellement sur l’Indemnité de Départ Volontaire pour démissionner, projetant une réorientation professionnelle vers l’orthophonie.

 

J’aurais aimé pouvoir quitter mes quatre classes aux vacances de la Toussaint, prendre le temps de mûrir mon projet plus sereinement, mais un entretien ce matin avec une conseillère carrière aux ressources humaines de l’Inspection Académique m’a ôté tout espoir de m’extirper de cette situation avant la fin de l’année scolaire. Tout ce que cette personne m’a suggéré, c’est un arrêt de travail... !!! Cette situation m’est pénible, douloureuse, culpabilisante et de plus en plus irritante."


Alexis, 25 ans, Professeur certifié de Lettres Modernes depuis 2 ans à plein temps, est devenu enseignant par défaut d’autre débouché :

 

"J’ai fait des études de lettres parce que j’aimais écrire. Il ne me restait plus qu’à passer le Capes que je m’étais juré de ne jamais passer : retourner au collège était ce qui s’approchait le plus de l’enfer pour moi, et je refusais de me lancer dans ce métier où la relation conflictuelle est inévitable avec les élèves. De plus, je ne supporte pas de me mettre en scène. Ce que j’appréhendais est arrivé : ce métier me détruit, me ronge, sape mon optimisme. Je suis malade à l’idée d’aller prendre mes élèves. Et je ne dis rien du système qui me répugne, infantilise, humilie ou méprise, et que j’ai honte de n’avoir pas encore su quitter."


Voilà Juliette, professeur depuis 14 ans, après avoir été directrice de projets informatiques dans le privé, métier qu’elle a quitté pour s’arrêter de travailler pendant 7 ans pour se consacrer à l’éducation de ses enfants. L’enseignement est sa seconde carrière :

 

"J’ai été affectée dans un collège ZEP depuis mon entrée dans ce métier, j’ai peu de chance d’en sortir avant ma retraite (manque de points), et je réalise que je ne pourrai pas continuer dans ce type de poste, qui demande une énergie

considérable, jusqu’à la retraite. Le temps m’est compté, vu mon âge (?!!!)"


Cyrille, 26 ans, est Professeur des Écoles depuis 3 ans à plein

temps; nous contacte pour être aidé à quitter son métier :

 

"Je suis un jeune enseignant, j’ai débuté en tant que stagiaire, j’avais des petites sections. Lors de ma première année comme titulaire, j’étais en charge de 4 classes de niveaux différents dans 4 écoles différentes. L’année suivante, j’ai fait une demande pour découvrir l’enseignement spécialisé, et j’ai été affecté en SEGPA. Je ne suis pas spécialisé, et je me retrouve face à la réalité du terrain

qui ne me correspond pas. Depuis ma première année je pense à une reconversion professionnelle, et là cette expérience en SEGPA confirme mon désir de ne pas poursuivre. J’aime enseigner et préparer mes cours, le contact aux élèves et la gestion de classe se déroulent pourtant bien. Mais je ne m’y épanouis pas, le système scolaire ne me semble pas convenir à ce que je souhaite, j’ai du mal à envisager une évolution dans ma carrière, et l’institution n’a pas été d’un bon soutien pour moi."


Clotilde, 32 ans, Professeur d’Italien depuis 10 ans, se sentait isolée dans son métier, et pas du tout soutenue par la hiérarchie :

 

"Me voilà depuis 8 ans TZR !!! à l’ennui et le sentiment d’être un pion balloté ici et là s’ajoutent le sentiment d’un métier de plus en plus déconnecté des réalités, le mépris croissant de l’administration et du Rectorat, le cynisme et l’individualisme des collèguesla solitude et la nostalgie de mes terres d’origine."


Augustin, 28 ans, Professeur de Physique-Chimie depuis

4 ans, était TZR tous les ans, et éprouvait un stress et une fatigue

psychologiques intenses avant de démissionner avec notre accompagnement à la reconversion:

 

"Ma carrière d’enseignant débute en 2006 après l’obtention du concours après deux années de formation, après une licence de physique-chimie. Je suis en poste fixe depuis cette année ayant été TZR les années précédentes (changement d’établissement tous les ans). 

 

Mes motivations à changer de carrière sont multiples : je me suis rapidement rendu compte que je ne pourrai pas faire ce métier toute ma vie (stress et fatigue psychologique intense). J’ai vu en cinq ans les conditions du métier se dégrader (30 élèves par classe en sciences, on me demande de faire des maths en tant que TZR de physique…). Le peu de satisfaction que j’ai dans ce métier ne compense pas mon investissement personnel.

 

Les évolutions de carrières proposées ne m’intéressent pas ou peu (chef d’établissement...). J’en arrive donc à la conclusion qu’il ne faut pas trop que j’attende pour changer de métier et je me rends vite compte qu’il ne faut pas que je sois trop exigeant dans ma reconversion si je veux qu’elle ait lieu rapidement."


Carine, 24 ans, Professeur de Lettres Modernes depuis 9 mois à plein temps, s’interroge sur son employabilité en-dehors de l’enseignement avec son Master 2:

 

"Néo-titulaire, j’ai vécu une année de stage détestable et suis convaincue d’en avoir assez vu. Je cherche à me réorienter au plus vite sans projet précis, et crains que mon Master 2 de Lettres modernes ne soit guère valorisé sur le marché du travail. »


Firmin, 30 ans, certifié d’Anglais depuis un an, a adressé sa

démission à son rectorat, car continuer d’enseigner lui était devenu

impossible :

 

"Titulaire depuis un an et TZR dans l’académie de X, je travaille actuellement dans un collège de ZEP. Mon année de stage et ma première année en tant que titulaire ayant été particulièrement éprouvantes psychologiquement (difficultés

insurmontables à gérer mes classes, ainsi qu’à adapter mon travail aux consignes du ministère) je viens d’adresser ma démission au rectorat, et envisage une reconversion dans le domaine de l’écriture. J’ai cependant conscience de la difficulté à trouver des emplois dans ces domaines et je m’interroge sur la manière la moins risquée de quitter mon poste (continuer m’est devenu impossible)."


Estelle, 32 ans, Professeur des Écoles depuis 10 ans, associait clairement les difficultés qu’elle a éprouvées comme ITR (prof remplaçante) a son envie de changer de métier :

 

"Voici mon parcours depuis que j’ai commencé il y a 10 ans : 1re année en tant qu’ITR Brigade (postes à l’année), 2e à 4e année j’ai eu un complément de mi-temps et une décharge de direction, puis de la 5e à la 10e année de nouveau ITR. Je travaille loin de mon domicile et les trajets quotidiens sont épuisants. Je n’arrive plus à sortir de cette affectation, et je ne pense pas qu’il existe de

nombreux métiers où on «rame» autant d’années pour faire sa place.

 

Je n’arrive donc plus à ressentir de plaisir à exercer cette profession pour plusieurs raisons : mobilité permanente, aucune

reconnaissance, hiérarchie sourde, conditions de travail compliquées, parents omniprésents et très peu ouverts d’esprit,

élèves trop peu intéressés par ce qu’on leur propose (et ce malgré le temps passé à concocter des séances motivantes). Cela représente une profonde déception à la hauteur des aspirations que j’avais. A présent, je souhaite me reconvertir. "


Fabrice, 34 ans, Professeur certifié d’Éducation Musicale depuis 11 ans à plein temps, souhaitait enseigner, mais son métier est devenu une corvée quotidienne, et lui aussi nous avait contacté pour démissionner :

 

"J’ai 34 ans, et j’ai fait ce métier par envie. Cela fait 10 années que j’enseigne en collège, et depuis quelques temps je sens bien que le coeur n’y est plus. Pourtant je ne travaille pas dans des conditions particulièrement difficiles, mais je n’y peux rien, le métier ne me motive plus. Je n’ai plus envie d’aller travailler, les élèves me fatiguent, à tous les sens du terme, et je n’ai plus

envie de faire cours. Cette situation me désole très franchement, car il serait bien plus simple pour moi que les choses puissent continuer comme avant,

mais il faut bien se résoudre à ouvrir les yeux : je n’ai plus l’envie, et tout ça est devenu une corvée.

 

D’où ma question : que peut espérer devenir un prof de musique au collège s’il n’enseigne plus ? Existe-t-il des moyens

de reconversion dans mon ministère, ou bien un autre ? Existe-t-il des possibilités pour retrouver un autre emploi qui ne soit pas une corvée et que j’accomplisse sans me faire violence ?"


Aurélie, 34 ans, enseignante d’Histoire-Géographie en collège depuis 12 ans, est consciente que c’est ce type d’affectation qui la dégoûte progressivement de son métier , qui explique alors son contact pour changer de métier :

 

"TZR depuis 10 ans, je désespère d’avoir un poste fixe. Je souffre d’une véritable lassitude, c’est pourquoi je m’interroge sur mon métier. Je ne suis pas certaine de vouloir quitter l’enseignement car cette lassitude n’est peut-être que le résultat de mon statut. Par ailleurs j’ai des enfants en bas âge, ce qui me freine pour m’engager dans un projet de seconde carrière. »


Bruno, ex-professeur de maths en collège, 26 ans, a enseigné 1 an, et déjà, ne voulait plus de ce métier. Nous l'avons accompagné dans sa démission, il avait largement les compétences de réussir ailleurs, et d'être bien mieux payé dans un métier plus épanouissant pour lui.

 

Je suis devenu enseignant car je voulais enseigner depuis le lycée.

 

J'ai décidé de quitter l'éducation nationale il y a 4 ans, après un peu plus d'un an d'enseignement, car j'ai vite réalisé que ce métier me stressait beaucoup trop et m'affaiblissait psychologiquement.

 

 

J'ai un master de mathématiques générales, dans mon cursus, j'ai fait un peu de programmation en C++, un projet réalisé en binôme en PHP-mySqL et un peu de programmation en Scilab. Dans 10 ans, je m'imagine travailler dans un bureau sur des études faisant appel au mathématiques, dans le domaine des transports, le domaine financier ou autre...


Viviane, 25 ans, Professeur des Écoles, a fait une dépression dès sa première année d’enseignement, ce qui l’a incitée à se mettre en disponibilité pour envisager autre chose :

 

"Suite à l’obtention du CRPE, j’ai effectué mon année en tant que stagiaire puis six mois en tant que titulaire. Après 3 mois d’arrêt maladie pour dépression, j’ai finalement obtenu une mise en disponibilité pour convenances personnelles pour me réorienter.

 

En effet, je me suis très vite sentie mal à l’aise dans une classe, ressentant un profond sentiment de solitude, consacrant un temps beaucoup trop long à mes préparations et corrections en dehors du temps de classe."


Nadège, Professeur des écoles, 34 ans et 11 ans d’ancienneté

 

Je suis devenue enseignante par vocation. C'est un métier qui m'a toujours attiré.

 

Je souhaite quitter l'Education Nationale pour 2 raisons.

- manque de mobilité. Je suis montée sur Paris il y a 11 ans et revenir à Toulouse par simple mutation est impossible. Je demande pourtant depuis le début. La région parisienne m'étouffe et je ne supporte plus la vie quotidienne stressante qui l'accompagne. Je souhaite me rapprocher de ma famille.

 

Quand on a fait qu'un métier on a l'impression de pas rien savoir faire d'autre. On perd les notions de qualités et de compétences. J'espère simplement trouver un métier où je m'épanouis, où je puisse profiter de ma famille sans être débordée de corrections le week-end. Je souhaiterai un métier où il y ait des possibilités d'avancement professionnels afin de faire évoluer ma carrière.


Justine, Professeur d’Arts Plastiques en collège, 40 ans et 2 ans d’ancienneté (venue du privé, elle repartait, déjà en souffrance...) :

 

"Je suis devenue prof par défaut. Je n'avais que peu de temps pour me réorienter professionnellement après un licenciement économique. Lors du bilan de compétences est ressorti que je pouvais travailler avec des enfants, que ça me plairait J'ai eu le CAPES et le Master MEEF arts plastiques (Paris8) du premier coup il y a 2 ans. Je suis donc titulaire depuis un an. 

 

Cela fait 2 ans et 2 mois que je souffre dans ce métier, mais que j'essaie me disant que j'ai eu la chance d'obtenir les examens, concours, ... Et les collègues disent qu'il faut attendre la 3e année. Bref je ne vais plus retourner travailler. J'ai demandé de l'aide mais il n’y en a pas.

 

Je quitte donc le professorat. Je ne sais pas comment faire pour demander un reclassement, un détachement voire une mise en dispo. Je crois qu'il faut 3 ans minimum... J'aimerais ne pas sortir du statut de titulaire, mais exercer dans un autre domaine, si possible. Je regarde les offres mais ne trouve rien pour le moment. J'ai rdv avec un médecin de l'académie. Je suis actuellement en arrêt. Je somatise sûrement. J'aimerais rester en "règle". 

 

L'urgence est que je sois officiellement hors éducation nationale mais en attente de reclassement."


Ingrid, Professeur des écoles, 38 ans et 11 ans d’ancienneté se sentait épuisée en nous contactant:

 

"Lorsque j'habitais Paris, je passais tous les matins devant une école élémentaire quand la cloche sonnait. Je voyais les instits tenir leur rang, sollicités de toute part par les enfants. A ce moment, j'avais le sentiment d'exercer une profession frivole, soumise aux intérêts de l'argent roi. Je me disais : "ça doit être bien de faire un métier qui a du sens". Je veux dire, pas uniquement pour moi, mais un métier qui est fondamentalement utile à la société. J'avais un bon contact avec les enfants, j'ai foncé.

 

Je me suis mise à lire tous les magazines spécialisés, les annales des concours. J'ai pris mes marques à l'ANPE pour faire financer une partie de mon année de PE1. J'étais tout bonnement passionnée, fascinée par ces pédagogies innovantes que j'avais envie de découvrir, admirative face aux premiers progrès visibles chez mes élèves.

 

Et puis aussi, dès les premiers mois, la fatigue, l'insatisfaction, la frustration, la culpabilité. Des sentiments bien négatifs qui ne faisaient jusque-là pas partie de mon répertoire émotionnel...

 

Il faut dire que j'ai eu des déconvenues : beaucoup de trajets, collègues ou personnels border line, classes surchargées, moyens limités, élèves à fort besoin éducatif... Après 11 ans d'enseignement, je n'ai jamais pu réellement échanger avec l'inspecteur de ma circonscription ou même les collègues du secteur. Nos réunions tournent en rond et ne servent à rien, c'est le comble, à nos élèves. L'an passé, le RASED de mon secteur a tout bonnement été déplacé. Nous sommes seuls face à des élèves et leur famille en grande détresse, sans réponse à apporter. Je n'ai plus l'énergie pour faire monter à main nue l'ascenseur social dans ma classe."


Keren, Professeur de Mathématiques en collège, 37 ans et 15 ans d’ancienneté, se sentait épuisée, moralement et physiquement :

 

"Devenir professeur, c'était la suite logique d'un cursus étudiant non mûrement réfléchi.

 

Je me suis lassée de ce métier, du cumul des réformes auxquelles je n'adhère pas, de la difficulté et de la fatigue morale et physique (je suis sujette à des malaises de plus en plus fréquents en période de stress). 

 

Je ressens une certaine tension entre collègues et des regards qui jugent. Une certaine violence des collègues qui s'estiment compétent envers ceux qu'ils estiment moins compétents.

 

J'ai participé à beaucoup de projet de voyages d'élèves en début de carrière. J'ai beaucoup donné de mon énergie. Je suis aujourd'hui lessivée.

 

De plus, les enseignants se retrouvent souvent seuls entre les parents, les élèves et les principaux. Devoir gérer la tension générée par eux tous est souvent difficile."


Gwladys, 28 ans, était Professeur des Écoles depuis 4 ans à plein temps avant de nous contacter (car nous l'avons aidée à démissionner); devenir « maîtresse » était pour elle une vocation, et elle le regrettait amèrement :

 

"Je n’enseigne que depuis 4 ans, mais je ne suis pas heureuse dans mon métier. Devenir «maîtresse» était pour moi une vocationet je le regrette amèrement.

 

Durant mes études, je n’ai jamais envisagé de faire autre chose, et je déchante aujourd’hui. Je pense donc qu’il serait bon que j’envisage d’exercer un autre

emploi afin de pouvoir m’épanouir professionnellement. Je ne sais pas vraiment vers quoi ni vers qui me tourner, ni quelle reconversion envisager en fonction de mes diplômes."


Nacéra, 37 ans, docteur-ès Sciences et certifiée de SVT depuis 7 ans, évoquait le retentissement que l’affectation comme TZR a pu avoir sur sa vie personnelle :

 

"Actuellement en arrêt maladie du fait d’une affectation pour la 3è année consécutive sur un poste de TZR à plus de 100 km de mon domicile, je désire me rapprocher professionnellement de mon compagnon (lui-même enseignant) et de notre fils en bas-âge.

 

En effet, je ne supporte plus ni physiquement ni moralement d’effectuer mes enseignements dans des conditions si difficilescar mon expérience de l’année dernière m’a montré qu’une telle affectation me rendait malade physiquement, et beaucoup trop nerveuse sans qu’il n’y en ait des retombées importantes sur mon self-contrôle en classe ni sur ma vie de famille. 

 

Je suis donc actuellement en train de voir quels types de métiers (autres que l’enseignement des SVT) je pourrais faire. J’ai envisagé de faire une formation d’attachée de recherche clinique ou de rechercher un emploi dans la recherche, car j’ai fait antérieurement à mon CAPES une thèse et un post-doctorat."


Mathilde, 29 ans, Professeur d’Anglais depuis 3 ans quand elle nous contacte pour démissionner, déplore des conditions de travail très dégradées :

 

" Je suis actuellement en arrêt maladie car je souhaite reconsidérer mon choix de carrière. TZR depuis l’obtention de mon diplôme, je vis très mal les déplacements à droite à gauche, l’impression de ne pas vraiment faire partie d’une équipe et surtout les conditions de travail très dégradées que tout le monde connaît."


Marianne, 30 ans, est certifiée d’Histoire-Géographie depuis 11 ans en collège quand elle nous contacte en pleine détresse pour quitter son métier :

 

"J’entame cette année ma onzième année scolaire dans l’enseignement, et le lot de déceptions face à mon travail ne cesse de s’accroître, alors que je pensais qu’il deviendrait moins important au fil des années. Je me suis lourdement trompée !

 

Le manque de reconnaissance, la charge du travail à la maison, la fatigue générée par le dynamisme et l’autorité dont on doit faire preuve en classe m’ont démotivée. Après avoir enseigné 6 ans en collège difficile, j’avais enfin obtenu une mutation en lycée, mais j’ai perdu mon poste l’année suivante (mesure de carte scolaire) et me retrouve TZR, baladée d’un collège difficile à un autre.

 

Je «rêve» d’un travail à heures fixes, davantage en contact avec les adultes et avec mon domaine de prédilection (l’histoire), que ce soit dans la préparation de voyages culturels, dans les bibliothèques, les archives ou les musées ou tout autre emploi auquel je n’aurais pas encore pensé. Tout, mais plus prof. "


Martine, 34 ans, était en nous contactant, Professeur des Écoles depuis 5 ans :

 

"J’ai l’impression que quitter l’enseignement est devenu une vraie urgence pour moi, ce qui est très perturbant car il s’agit déjà d’une reconversion !

 

Après un DEA en STAPS, je me suis orientée naturellement vers une thèse. Après 2 ans de thèse et de souffrances, j’ai décidé d’arrêter. Le harcèlement psychologique (de mon directeur de thèse) a eu raison de ma passion pour la recherche. Après une longue réflexion, je me suis orientée vers le CRPE pensant que je trouverais là ma place. J’aimais enseigner lorsque j’étais en DEA et en thèse (bien qu’à ce moment-là j’enseignais à des étudiants) et il me semblait que j’y trouverais rapidement ma place. Or, ce n’est pas le cas. Je supporte mal de n’avoir toujours pas ma classe (en effet, j’ai

obtenu mon concours il y a 5 ans) et depuis je suis « bouche-trous » pour les collègues.

 

Résultat, je change d’école tous les ans avec tout ce que ça comporte. Je ne parviens pas à apprécier cette situation, je ne peux rien mettre en place correctement et je me sens très frustrée. Du coup, j’ai beaucoup de mal à supporter le comportement des élèves, de moins en moins intéressés (je passe un temps fou à essayer de construire des choses

le plus ludiques possible et pourtant…c’est ma famille qui en pâtit avec si peu de résultats), de plus en plus indisciplinés et ce de plus en plus jeunes.

 

J’ai du mal aussi à supporter d’être pour l’administration un simple numéro et de n’avoir aucune reconnaissance de mon travail (c’est un peu narcissique certes mais je ne demande pas la gloire juste que ce soit reconnu, ce système de notes d’inspection est absolument stupide et ne permet pas du tout de savoir où on en est, que l’on travaille ou pas c’est pareil). Je n’ai pour l’instant réussi à avoir aucune formation. Quant aux parents !!!!!

 

Heureusement, il y en a une majorité d’agréables et de corrects….J’en ai également marre d’être considérée comme un fainéante parce que j’ai beaucoup de vacances aussi alors que je travaille comme une malade… 

 

Je réfléchis beaucoup à ce que je pourrais faire et je me suis longtemps sentie comme prise au piège avec aucune

perspective. Cependant, vous le comprendrez, me reconvertir une nouvelle fois m’effraie ! Et si je me trompais de nouveau !!!"


Fleur, 34 ans, Professeur des Écoles depuis 6 ans, avait perdu confiance dans ses capacités, et son métier lui dévorait tout son temps :

 

"J’ai d’abord obtenu un DESS des Métiers de l’archéologie et du patrimoine, et je me suis lassée d’aller de stage en stage bénévoles, sans réelle perspective d’emplois dans ce qui me passionnait. Donc, écoutant les conseils d’une amie Professeur des Ecoles (PE), j’ai passé et réussi le concours. La formation m’est

apparue totalement à côté de mes questionnements, j’ai eu dès lors le sentiment d’être parachutée dans une classe sans filet.

 

Ce sentiment perdure depuis :

- Ce sentiment de n’être pas formée à l’enseignement, ne pas être légitimée par une formation correcte.

 

- Les affections loin de mon domicile (j’ai une enfant en bas-âge) et sur des postes fractionnés : cette année, j’ai un mi-temps en primaire avec cours double et un autre mi-temps en maternelle en Petite Section ! C’est dur à gérer, je ne suis pas motivée, j’ai l’impression de n’être que bouche-trou pour l’administration, les parents, les collègues.

 

- Le travail énorme à fournir chaque année. Comme je ne suis pas titulaire de mon poste, j’attends chaque rentrée mon

affectation, je ne peux rien prévoir à l’avance, je change de niveau constamment. Une année, j’ai même été affectée dans 2 établissements spécialisés, sans formation, auprès d’élèves très handicapés (physiques, mentaux) et d’adolescents ayant des troubles psychiatriques. Cette expérience a été très éprouvante, je n’ai reçu aucun soutien de la hiérarchie ni aucune aide. À la fin de cette année, l’idée de changer de voie m’est alors apparue clairement.

 

- L’impression de ne pouvoir parler de mes doutes à personne dans le métier. Peur de se sentir moins bonne enseignante que les autres, car eux poursuivent le métier sans broncher.

 

- La pression exercée par les parents, la hiérarchie qui demande toujours plus, les programmes, les effectifs de classe.

 

- L’idée qu’éduquer c’est essentiel mais que je ne veux plus participer à ce système qui écrase les plus faibles, et tire les

plus forts. Les conditions actuelles d’enseignement sont telles que je ne me sens pas en mesure d’enseigner au plus grand nombre. Je ne supporte plus de laisser sur le côté certains élèves faute de temps et d’énergie.

 

En bref, je suis démotivée par le travail d’enseignante qui ne correspond pas à ce que je pensais, qui m’oppresse dans

les conditions actuelles. J’ai pourtant peur du changement, j’ai l’impression de n’être plus capable de rien en dehors de

l’école. J’ai perdu confiance en mes capacités. J’ai grandement besoin d’être remotivée pour trouver une voie qui me correspondrait mieux."


Joëlle, 34 ans et 9 ans d’ancienneté comme Professeur d’Anglais en lycée, titulaire d’un Master 2, détaille les frustrations que peut ressentir un professeur remplaçant :

 

"Les raisons qui me poussent à évoluer sont nombreuses. C’est l’usure causée par mon statut de TZR et la lassitude du métier en général qui me poussent vers un changement. Je suis passée dans 9 établissements depuis 9 ans, ce qui implique que tous les ans je dois refaire tous mes cours, m’adapter à un nouvel

établissement, à des nouveaux collègues. J’ai l’impression que le travail effectué chaque année n’est pas pris en compte. Je ressens aujourd’hui le besoin de continuité dans mon travail et mes relations, ainsi que de reconnaissance pour le travail que j’effectue. J’ai en outre l’impression d’avoir fait le tour du métier : je m’ennuie lorsque j’occupe un poste en collège ; je n’ai plus de motivation pour préparer les cours, même lorsque je suis en lycée.

 

Le statut de TZR me demande chaque année un travail important, si bien qu’il m’est difficile de faire la coupure entre vie privée et vie professionnelle : du coup, je n’ai jamais l’esprit tranquille, c’est très stressant et nerveusement épuisant. L’affectation dans un nouvel établissement à chaque rentrée me permet difficilement de me lancer dans des activités

extérieures à la classe : je dois me raccrocher à des projets déjà mis sur pied par des collègues (accompagnement de sorties, voyages).

Je pense aussi qu’enseigner l’anglais n’a jamais été une vocation. Passer le CAPES d’anglais a plutôt été un choix fait par défaut. Dès mon année de stage, je ne me suis pas sentie dans mon élément. Je ne me sens pas à l’aise dans ce milieu ni très épanouie dans ce métier. Je suis fatiguée du manque de respect, des incivilités des élèves, du manque de motivation de certains. Le public a changé depuis le début de ma carrière, mais j’ai l’impression que l’EN n’offre pas de solutions à cette évolution."


Maryline, 35 ans, agrégée d’Histoire, enseigne depuis 11 ans, et se sent déqualifiée dans son métier d’enseignante. Elle ne sait plus que faire pour en sortir :

 

"Je pense à quitter l’Éducation Nationale depuis très longtemps, les conditions de travail étant devenues insupportables.

 

Aujourd’hui TZR, je vais garder ce statut de longues années avec les trajets qui en découlent et l’absence de toute perspective d’évolution de carrière. De plus, suite à une dépression très sévère, être devant les élèves est pour moi une souffrance.

 

J’ai également l’impression de régresser intellectuellement, étant toujours affectée en collège ... après avoir «goûté» à la recherche en obtenant un Doctorat d’Histoire. J’aimerais m’orienter vers un métier qui ne soit plus exposé aux enfants et qui me permette d’exercer une véritable activité intellectuelle. Je pense à des postes de conservateurs de bibliothèque, ou à des postes de rédacteurs ou de conservation. Je suis dans le flou et ai besoin de conseils et d’aide."


Juliette, 28 ans, Professeure des Écoles depuis 4 ans, se demandait si l’Éducation nationale la laisserait partir, alors qu’elle n’aime déjà plus son métier :

 

"Je suis devenue professeur à 22 ans, après l’obtention d’une Licence de Sciences et sans aucune expérience professionnelle dans un quelconque domaine. Je me rends compte, au cours de ma sixième rentrée scolaire, que le métier de professeur des écoles ne me correspond plus.

 

D’année en année, nos conditions de travail et celles des élèves se dégradent à une vitesse phénoménale. J’ai testé l’école élémentaire, maternelle, le handicap, les contextes socio-économiques divers. Au final, tous les domaines m’écoeurent. En particulier le travail avec une classe entière à l’année, avec toutes les tâches administratives et les demandes de résultats qu’on nous demande.

 

Dans l’éducation nationale, la sécurité de l’emploi et le salaire régulier rassurent mon côté angoissé pour l’avenir, mais le manque de mobilité et de perspective d’évolution m’étouffent. Je ne trouve pas d’interlocuteur à l’éducation nationale qui puisse m’aider efficacement dans mes démarches, qui prenne le temps d’écouter tout cela, et qui puisse surtout m’orienter, m’aider dans mes démarches, en se mettant de mon côté et en agissant à MON avantage (et pas celui du Ministère !) Mais me laissera-t-on «partir» ?"


Hélène, 27 ans, Professeure certifiée de Mathématiques, enseignait depuis 2 ans et ne supportait déjà plus son métier quand elle nous a contactés pour en changer :

 

"Il y a deux ans, j’ai passé et réussi le concours du CAPES de mathématiques par passion pour cette discipline, et envie de la transmettre. J’ai ensuite réalisé une première année de stage à l’issue de laquelle mon stage a été renouvelé. L’année d’après, j’ai fait une deuxième année de stage à l’issue de laquelle j’ai été titularisée.

 

Pendant ces 2 années, j’ai senti que je ne voulais pas être prof, j’ai d’ailleurs été suivie par une psychologue, mais la pression des proches et des collègues qui me disaient que c’était normal, qu’il fallait que je m’accroche, qu’avec l’expérience tout irait mieux, m’a poussé à continuer dans cette voie.

 

Je suis actuellement néo-titulaire dans un département d’outre-mer (DOM) et, bien que je sois absolument ravie d’avoir quitté la France, que j’adore le département où je suis, la population et y vivre, je ne peux que constater qu’au bout de 3 mois d’enseignement, je ne supporte plus ce métier. J’en viens à presque détester mes élèves, que je trouverais dans

d’autres circonstances très attachants, et je m’en veux beaucoup de ne pas leur proposer l’enseignement de qualité auquel ils auraient droit, mais que je n’ai pas la force/la motivation/la capacité de leur prodiguer.

 

Il m’apparaît de plus en plus comme une évidence que pour mon bien comme pour le leur, il faut que j’arrête ce métier."


Diane, 26 ans, est certifiée d’Anglais depuis un an, et a fait les frais de la suppression de la formation initiale à son métier :

 

"Comme vous pourrez le lire, je suis une toute jeune enseignante en anglais, qui, comme beaucoup, a subi une année de stress, d’angoisse, dans une première année de mise en place de la «formation non formative» de la réforme.

Avant d’entrer dans ce métier, auquel je pensais être destinéej’ai suivi un parcours universitaire classique jusqu’au niveau Master en anglais. Après la fin de ce cycle universitaire, j’ai obtenu le CAPES alors que je préparais l’agrégation, mon projet initial étant de m’orienter vers un doctorat et l’enseignement au supérieur. Je suis donc entrée dans un métier que je n’avais pas forcément «choisi».

 

Aujourd’hui, et malgré ma courte expérience en tant qu’enseignante, je sais que ce monde ne me convient pas : bien

qu’ayant la «chance» d’être en lycée, je réalise que le parcours «d’excellence» jusqu’alors requis pour intégrer ce métier n’a aucun lieu d’être. Exercer ce métier n’a pour moi aucun sens, le savoir didactique demandé étant à des années lumières du savoir universitaire que j’ai pu acquérir.

 

J’éprouve également un profond malaise, tant dans le rapport aux élèves, à la hiérarchie, l’exploitation insupportable des TZR dont je fais partie, qui grève mon pouvoir d’achat… En résumé, je me suis engagée dans une voie «par défaut» et m’y trouve plus angoissée (au sens fort du terme) qu’épanouie."


Sabrina, 40 ans, Professeur de Sciences Économiques et Sociales (SES) depuis 18 ans, a perdu confiance :

 

"Titulaire sur zone de remplacement sur deux départements (…), j’effectue 800 km par semaine depuis 10 ans, et je n’en peux plusJe n’arrive plus à me projeter en classe devant des élèves. Quand je suis en poste, j’ai la « tête dans le guidon », j’ai l’impression de ne jamais faire sereinement ce qu’on me demande de faire et je suis angoissée en permanence. J’ai l’impression de ne pas maîtriser les savoirs que je suis censé transmettre aux élèves. Je pensais qu’avec l’expérience, enseigner serait plus facile mais cela fait 16 ans que je suis prof, toujours remplaçante, et c’est toujours aussi difficile voire pire qu’avant. J’ai le sentiment d’être devenue un sous-prof, complètement déqualifiée.

 

Finalement je pense que l’enseignement n’est pas fait pour moi. J’ai totalement perdu confiance en moi et je ne peux pas m’imaginer continuer dans cette voie. Je profite donc du temps que j’ai actuellement en congé maladie pour me reconvertir car il m’est totalement impossible de le faire quand je suis en poste."


Reine, 30 ans, avait obtenu un Capes d’Espagnol depuis 4 ans ; de plus en plus angoissée, elle commence à suivre un traitement d’anxiolytiques (depuis qu'elle a démissionné, elle a retrouvé sa joie de vivre) :

 

"Après avoir obtenu un Master 2, j’ai passé le CAPES d’espagnol. Je suis actuellement professeur titulaire d’espagnol depuis maintenant 4 ans. Les premières années ont été très difficiles mais malgré ma petite expérience, j’ai le sentiment que la situation n’a pas réellement évolué : la discipline et l’autorité me posent vraiment problème, je ne parviens pas à gérer mes classes et je me sens de plus en plus angoissée, faire cours est devenu un supplice pour moi et je commence d’ailleurs à suivre un traitement d’anxiolytiques.

 

Il est urgent pour moi de changer de voie, d’autant plus que mes propres enfants me demandent beaucoup d’attention : je m’aperçois que je n’ai plus vraiment de temps pour préparer mes cours et je voudrais à présent une claire séparation entre vie privée et vie professionnelle. Je ne sais pas par où commencer mes recherches ni vers qui me tourner mais il est vital pour moi de changer de métier."


Coralie, 26 ans, Professeur certifiée d’Anglais depuis un an, s’est sentie traitée « comme une serpillière » dit-elle, depuis sa première affectation comme TZR en lycées professionnels, et veut quitter au plus vite son métier :

 

"J’ai choisi ce métier car il me paraissait intéressant, et j’ai effectué mon année de stage l’an dernier. Cette année, j’ai été affectée comme TZR dans une autre académie. On m’a annoncé que j’avais été sélectionnée pour deux remplacements par semaine, éloignés l’un de l’autre de 50 km.

 

Dès la première heure de mon premier cours du premier lycée où j’ai enseigné, je suis allée dans ma salle, j’ai tenu dix minutes montre en main tant c’était le foutoir, et tant je me sentais humiliée. J’ai pris mes affaires et je suis partie m’effondrer chez le proviseur. Pour lui, rien de grave : ces élèves-là aiment taquiner»; de toute façon, « les élèves ne vont pas aller en s’améliorant et il faut bien que je me fasse à cette idée » m’a-t-il dit. Il y a sans doute mieux ailleurs, mais il y a aussi largement pire ; on va dire les choses aux parents, mais sans être désagréable (au cas où ils se vexent, j’imagine !) ; c’est à l’enseignant de s’adapter à ce nouveau public, etc...

 

Traduction : tu es une serpillière.

 

Le lendemain je ne suis pas allée en cours et j’ai prévenu le lycée que je me rendais chez le médecin. J’ai eu droit à un message sur mon répondeur me disant que si je me faisais arrêter, autant que je le fasse jusqu’aux vacances de la Toussaint, comme ça, ce serait plus pratique pour eux, et ils auraient un remplaçant. Je ne sais pas pourquoi, mais la dernière fois que j’ai consulté le terme «sollicitude» dans le dictionnaire, la définition ne correspondait pas à ça... J’ai raconté ça au médecin qui est tombé des nues. Il a fait une lettre au médecin du travail tant il était scandalisé par ce que je lui rapportais, en m’arrêtant pour «dépression réactionnelle» - ça dit assez bien ce que ça veut dire.

 

J’en veux vraiment à ce système qui m’oblige à mettre un genou à terre, à être ce que je ne suis pas. J’ai souvent cru que,

parce que j’avais une bouille sympa, que j’étais gentille et pas trop bête, ça se passerait bien pour moi, mais c’est loin d’être le cas. Je prépare donc un concours dans le domaine culturel, histoire de fuir au plus vite, car l’Éducation Nationale, j’en ai ma claque, et j’ai besoin d’une sortie de secours là tout de suite pour assurer le quotidien.

 

Je ne sais pas comment j’en suis arrivée là, mais ce travail m’est devenu insupportable, à commencer par les élèves, peu motivés par la matière, dépourvus de toute curiosité intellectuelle, impolis, vulgaires et qui participent à des expéditions punitives en brûlant des poubelles dans leur quartier. Je pense mériter mieux que ce que je vis actuellement, et je me battrai pour que ma situation se transforme radicalement."


Audrey, 30 ans, Professeur des Écoles à plein temps depuis un an : j’ai quitté l’école comme petite fille modèle, je la retrouve dans la peau d’une instit en difficulté :

 

"Comme beaucoup sur ce site, je me permets de faire appel à vous, un peu comme on appellerait au secours. Et le mot n’est pas trop fort.

 

"J’ai toujours aimé étudier, à tel point que, plus jeune, je ne me suis jamais posé la question d’une orientation quelconque. Je faisais des études pour le plaisir, pas par stratégie. J’ai donc passé une maîtrise de Français Langue Etrangère, par goût, par plaisir, par envie. Je le répète : je n’avais aucune idée particulière, aucune envie, si ce

n’est celle, un peu vague, de faire un métier pour lequel je sens que je suis vraiment faite. Pour faire court, le concours du CRPE m’a paru accessible. Je l’ai donc préparé seule, et me voici stagiaire en formation deux mois plus tard.

 

Très vite, je réalise que quelque chose ne va pas: je ne suis pas malheureuse, un salaire correct tombe tous les mois, un statut enviable de prime abord m’accorde des vacances de façon certaine et une sécurité de l’emploi à faire pâlir un cadre-sup sous réserve que je sois titularisée. Bref, tout pour être heureuse mais un arrière goût bizarre dans la bouche que je ne parviens pas vraiment à identifier.

 

Mes stages ne sont pas tous, heureusement, des calvaires mais le rapport avec les élèves se révèle éprouvant et loin d’être à la hauteur de mes attentes. J’avais quitté une école en petite fille modèle, j’y retournais dans la peau de l’instit et j’étais face à des enfants aux difficultés diverses et variées, sociales, comportementales et qui ont, pour la plupart, bien d’autres chats à fouetter que mes leçons sur le COD (Complément d’Objet Direct). L’année de T1 s’est déroulée sans trop d’encombre mais avec l’impression de plus en plus prégnante de n’être pas à ma place. Je me retrouve aujourd’hui à faire un travail que je n’exècre pas mais qui ne me plaît pas. J’ai le sentiment d’être malhonnête vis-à-vis des élèves qui méritent une enseignante passionnée et j’ai la désagréable impression d’être une immense imposture.

 

Les préparations de cours et les corrections me sortent littéralement par les yeux. Pourtant, je ne suis pas paresseuse et j’ai une grande capacité de travail et de concentration. Encore faut-il que je puisse être convaincue que le jeu en vaille la chandelle, ce qui, vous l’aurez compris, n’est pas le cas et ne l’a jamais été. 

 

Je me sens démunie, je ne sais pas quoi faire d’autre, je n’ai pas vraiment les moyens financiers de m’arrêter de travailler pour me lancer dans autre chose, je n’ai pas assez d’ancienneté pour prétendre à une formation quelconque, je suis très intéressée par beaucoup de domaines mais je ne sais pas comment m’y prendre, d’autant plus que cette année, j’assure quatre quarts de temps, sur 4 écoles différentes, du CM2 à la Petite Section (PS), avec deux double-niveaux !!!

 

Je refuse de me tuer à la tâche alors que je n’y crois plus. J’ai tellement envie de vivre une vie que je ne regretterai pas."


CES TEMOIGNAGES SONT UN ECHANTILLON, NON EXHAUSTIF

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