L'académie de DIJON a plus qu'anticipé la réforme d'Elisabeth BORNE de recruter des professeurs au niveau de la Licence3 (comme avant 2010) plutôt qu'au Master2 : il suffit désormais d'une attestation délivrée par l'inspection pour devenir professeur de Lettres. Depuis 2013 pour les professeurs de Lettres, c'est la descente aux enfers de la déqualification. Tout cela ne prend pas du tout le chemin d'une revalorisation. C'est la casse du métier d'enseignant.

Après notre première rencontre le 10 avril 2010 avec Josette THEOPHILE (DGRH du MEN de 2009 à 2012) portant pendant 3h15 sur les secondes carrières accessibles aux enseignants, nous lui ayant formulé de nombreuses propositions ce jour là, l'Education nationale a institué la possibilité d'un détachement d'une discipline à l'autre, pour pallier l'ennui qu'un professeur peut éprouver au bout d'une à plusieurs décennies à enseigner sa discipline, les programmes ne changeant pas complètement à chaque nouvelle réforme.
Jusque-là, ça allait: le candidat au changement de discipline devait rencontrer un IA-IPR de la discipline convoitée et réaliser soit une reprise d'études, suivi du concours adéquat, soit tenter directement le concours interne.
En 2013, le CAPES de Lettres Classiques - qui enregistrait une baisse de candidatures - est supprimé, fusionné avec le CAPES de Lettres Modernes pour donner "le CAPES de Lettres".
Le 10 mai 2018 Jean-Michel BLANQUER alors devenu Ministre de l'Education nationale, rétablit la distinction entre CAPES de Lettres Classiques et Lettres Modernes, publié alors au Journal Officiel.
Le 23 mai 2023 l'académie de VERSAILLES annonçait ses premiers job dating pour recruter les professeurs qui lui manquaient tant (avec des IA-IPR et des IEN obligés de se discréditer en validant les compétences des candidats après 30 mn d'entretien).
Ce qui dérangeait l'Education nationale à l'époque était la réduction de sélectivité de ce concours, puisqu'à la session 2018, pour 183 postes à pourvoir, 85 candidats avait été admissibles. L'honneur des universitaires et des IA-IPR chargés d'évaluer les candidats s'en trouvait perturbé.
Une preuve que l'Education nationale ne respecte aucune des disciplines d'enseignement: elle agit juste par opportunisme pour "gérer ses ressources humaines", en l'occurrence pallier aux pénuries de professeurs en réduisant l'horaire de telle ou telle discipline d'enseignement, voire en supprimant la discipline.
Les professeurs ne sont donc traités que comme des exécutants, malgré leur Master2, de ces politiques ministérielles qui ne visent qu'à assurer un enseignant devant chaque élève, après une sélection digne de ce nom, mais qui s'est détériorée depuis au moins 12 ans avec des taux de réussite de plus en plus bas.
L'académie de DIJON invente le prof "bouche-trou"
L'académie de DIJON, pour combler le manque de professeurs de Lettres, vient de simplifier le recrutement à tel point, qu'on se demande si la logique du Ministère est vraiment de rendre le métier d'enseignant attractif, ou de lui donner le coup de grâce, en démontrant que n'importe qui pourrait venir l'exercer, renonçant ainsi à 15 ans d'entêtement de ses élites pour que les candidats obtiennent à tout prix un niveau Master2 + concours pour l'exercer, au nom de l'excellente française.
30 minutes d'entretien suffiront donc pour devenir professeur de Lettres dans l'académie de DIJON. dès la rentrée 2026, via une "attestation de validation de compétences". C'est une forme de retour aux PEGC (Professeurs d'Enseignement Général de Collège), le retour à la bivalence, voire la trivalence ou la quadrivalence pour les professeurs qui enseignent déjà plus de deux disciplines (Histoire-Géographie et EMC ; Biologie-Géologie ; Physique et Chimie ; etc).
Pour les IA-IPR qui se prêteront à l'exercice, c'est renier leurs compétences pédagogiques, en validant des compétences a minima, à partir de critères fort limités. Ce type de validation va discréditer la fonction d'IA-IPR pour un certain nombre d'années.
Si les syndicats de professeurs en venaient à accepter cela sans protester, sans manifester, sans obtenir un retrait de cette décision du Chef de Bureau DPE2A de l'académie de Dijon (cf article de ACTU présentant le visuel de l'envoi du mail), il n'y a pas de raison pour que n'importe quel professeur ayant obtenu un CAPES, voire ayant été recruté par job dating, ne se voit pas attribuer après un oral de 30 mn, l'enseignement de n'importe quelle discipline en manque de candidats.
L'académie de DIJON fera-t-elle des émules parmi les autres académies ? Laquelle osera faire de même, voire pousser le bouchon plus loin ?
Ce n'est plus "l'Ecole de la Confiance", mais "l'Ecole de la Défiance".
On imagine aisément la suite:
1) Trouver des profs volontaires pour enseigner une discipline en pénurie. Tant qu'il s'agit d'augmenter ses revenus, il y aura toujours des professeurs volontaires qui feront fi de la solidarité de corps.
2) Leur décerner après un entretien de 30 mn, une attestation pour enseigner dans cette discipline dans le cadre du PACTE... Après les Lettres, à qui le tour ?
3) Un bon moyen pour les académies de résoudre la pénurie de professeurs (qui va durer au moins jusqu'à 2050, autant dire que c'est la casse progressive du métier de professeur qui se joue avec cette décision de l'académie de DIJON).
4) Profiter du papy-boom pour réduire le nombre de postes de profs aux différents concours, puisque le système aura trouvé suffisamment de professeurs attirés par des primes de PACTE, pour enseigner plusieurs disciplines.
=> RESULTAT ? Il deviendrait donc possible à l'Education nationale de réduire de 30 à 50% les effectifs actuels des enseignants dans les années 2025-2050, en leur faisant enseigner chacun, toutes les disciplines dans lesquelles ils se sentent un peu compétents, sans revaloriser leur échelle indiciaire, puisque leur recrutement sera désormais abaissé niveau Licence3.
5) Ce qui permettra aux professeurs de gagner plus, désormais, sera le PACTE, pour remplacer des collègues notamment en cas de pénurie dans une ou plusieurs disciplines. Comme le professeur peut signer jusqu'à 5 briques de PACTE pour gagner jusqu'à 7.500,00€ bruts/an, l'Education nationale trouve là le moyen de n'augmenter que ceux des professeurs prêts à enseigner bien plus que leurs 9h (Agrégés en CPGE), 15h (Agrégés), 18h (Certifiés) ou 24h (PE) statutaires selon leur niveau d'enseignement.
26.05.2025 sur le CAFE PEDAGOGIQUE

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