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Infantilisés, culpabilisés systématiquement, voilà le quotidien des profs du 21e siècle, jalousés injustement par la société pour la durée de leurs vacances


Devenir professeur c'est devoir supporter toute sa vie d'être l'objet de la colère des parents, du manque de reconnaissance de la hiérarchie qui les exploite sans états d'âme, du manque de valorisation de la part des gouvernements qui les sous-paient et ne les augmentent que si leurs syndicats bataillent fermement et massivement dans les rues de toutes les villes de toute la métropole.

 

Tout est reprochable à ceux qui ont la lourde mission de faire réussir les enfants des autres... c'est forcément, dans l'esprit de la société, de leur faute. Jamais un Gouvernement n'ira remettre en question ses choix politiques, ni ceux des précédents, jamais l'Institution ne se culpabilisera pour ses réformes, et leurs conséquences sur le moral des enseignants. Ils doivent "fonctionner, puisque fonctionnaires", point barre.

 

Devenir professeur dans la France du 21e siècle, c'est devoir entrer dès la première année d'enseignement en résilience. Le système veut garder son image de Mammouth qui lui colle à la peau, car les hauts fonctionnaires puissants de ce système ne peuvent se résigner à perdre ce qui leur confère un immense pouvoir: le pilotage des masses de professeurs soumis, simples exécutants malgré leur Master2.

 

Etre professeur aux 20e et 21e siècle dans une société qui fait progressivement de lui un cadre sous-payé, exigeant un Master 2 pour le payer à l'égal d'un apprenti de 18 ans à l'entrée dans le métier, c'est devoir accepter dès le départ l'idée de gagner dans 20 ans d'ancienneté ce que gagne dès les 5 premières années un ingénieur diplômé lui aussi Bac+5. C'est devoir accepter qu'enseigner, c'est faire partie des cadres pauvres, des cadres mal traités par le système tout entier.

 

Que reproche-t-on aux enseignants ?

 

- dans l'inconscient collectif, la durée de leurs vacances, eux "qui ne travaillent qu'à mi-temps" nous diraient certains politiciens qui n'ont jamais exercé le métier. Personne ne peut dire exactement quelle est la durée des vacances des professeurs, puisqu'elle est ajustée à celle de leurs élèves. Il subsiste une ambiguïté bien française là-dessus qui semble en arranger beaucoup, pour continuer de culpabiliser les enseignants.

 

- un emploi du temps flexible avec des horaires statutaires non remis en cause depuis les décrets de 1950, les syndicats ont toujours levé leurs boucliers chaque fois qu'un Ministre de l'Education a tenté d'en discuter, Vincent PEILLON s'en souvient. La réflexion lancée par Emmanuel MACRON à l'évidence, sur la révision des temps scolaires, est liée au papy-boom et est destinée à faire oublier les revendications salariales des syndicats, en occupant les esprits autrement : si le métier de professeur attire moins, comment réduire le temps scolaire pour continuer d'obtenir suffisamment de professeurs devant élèves ?

 

- des congés maladies tout au long de l'année, même de courte durée, malgré les vacances scolaires du triple des congés des salariés qui n'ont pas d'ARTT, la société oubliant que le professeur est exposé aux virus que contractent les élèves, dans des salles bourrées à craquer, postillonnant à qui mieux mieux sans gestes barrières. Le professeur absent, forcément, c'est lui le coupable, d'être fatigué, épuisé, malade. Mais ce n'est pas l'institution qui ne sait pas se faire aimer d'eux, ne sait pas les abreuver de compliments depuis le début de leur carrière pour les motiver, car elle a toujours craint que les professeurs complimentés en viennent à demander qu'on augmente leurs primes.

 

- de faire grève pendant les semaines de l'année scolaire, et jamais pendant les vacances.

 

Les enseignants qui travaillent depuis plus de 10 ans et veulent exercer une "seconde carrière hors Education nationale" rencontrent ces obstacles chez les éventuels recruteurs:

 

- "Saurez-vous vous adapter vous qui ne travaillez qu'à mi-temps ?" (24h pour un PE, 18h pour un Certifié, 15h pour un Agrégé)

 

-"Perdre vos congés scolaires, vous allez y arriver ? On n'a que 5 semaines et 15 jours d'ARTT à vous proposer"

 

- Dès 2007 l'Education nationale a plombé la reconversion des enseignants en allant rencontrer les représentants des autres ministères et des collectivités locales en leur tenant ce discours "nous avons des enseignants en difficulté à recaser". Un administrateur civil nous avait dit que la réponse des collectivités avait été "vos boulets, on n'en veut pas". L'Education nationale, qui n'a jamais été favorable aux reconversions hors Education nationale, et les syndicats non plus, a tout fait depuis 20 ans pour qu'il y ait le moins d'enseignants possible qui parvienne à la quitter. Elle a multiplié les nécessités de service, une preuve que tout ce système veut attirer des candidats pour enseigner, mais ne supporte pas de les voir repartir. Sauf épuisés, malades complètement brisés psychologiquement ou cassés physiquement. Là, oui, il accepte de les voir repartir car ils lui coûteront nettement moins cher ailleurs qu'en congé de longue durée en son sein.

 

Pendant 15 ans les gouvernements se sont entêtés à imposer aux candidats, sous prétexte de valorisation, d'obtenir un Master2 puis un concours d'enseignement.

 

Le résultat est simple: la génération des professeurs de 2010 à 2025 est une génération sacrifiée, entrée dans la "carrière" en moyenne vers ses 28 ans (car c'est rare d'obtenir le concours dès le 1er essai, sélection des meilleurs oblige). Elle devra (selon la dernière réforme des retraites imposant 64 ans comme âge minimum de départ), travailler jusqu'à ses 72 ans pour obtenir sa retraite "à taux plein" (en fait 75% maximum de son dernier salaire brut si détenu pendant au moins 6 mois). Alors que passé leurs 50 ans, 65% de professeurs des écoles souffrent déjà de problèmes musculosquelettiques. Là voilà la réalité: des professeurs qui risquent de mourir avant leur retraite, épuisés au travail, pour que les politiciens de tous bords puissent dépenser l'argent de leurs impôts en réformes multiples et variées sans cesse remises en question par les gouvernements qui se succèdent. L'endettement actuel de la France, il est lié aux politiques publiques et au paiement des appétits des politiciens de tous bords qui veulent devenir ministre, "se rendre utiles", tant que "la soupe est bonne".

 

Comme le gouvernement actuel, héritier de ceux qui ont aggravé l'endettement de la France par des choix discutables depuis 2017, avec 1.300 milliards de dettes en plus, préfère considérer que pour revaloriser les professeurs, il vaut mieux reculer leur niveau de recrutement, que de les augmenter tous, les professeurs du 21e siècle sont juste "mal barrés" en matière de maintien de niveau ce vie et de reconnaissance "tout court".

 

Les parents veulent profiter en famille des "ponts de Mai", et jusque-là ça paraît bien normal. Mais le calendrier scolaire n'a pas accordé "tous les ponts de Mai" aux élèves, et donc aux enseignants, eux qui ont déjà "tant de vacances".

 

Etant donné que Mai c'est presque la fin de l'année scolaire, les parents qui estiment que leur enfant a bien réussi, peuvent considérer qu'il "n'y a pas mort d'homme" à faire louper l'école à leur enfant. Mais ils seront toujours les premiers à râler sur les absences des professeurs.

 

La société prend des libertés pour elle-même, mais le responsable de sa morosité, de ses aigreurs, de ses frustrations, sera toujours le professeur de ses enfants. Comme si dépendait de lui seul la réussite de leur progéniture.

 


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