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L’absence de flexibilité en évolution professionnelle réduit de plus en plus l’intérêt du métier de professeur


L’Education nationale s’y est toujours refusée, avec la complicité passive des syndicats qui n’ont jamais mobilisé les professeurs dans les rues sur ces questions : 

- la flexibilité des parcours professionnels tout au long d’une carrière,

- la flexibilité tout au long de l’année, comme pour les salariés du privé lorsqu’ils souhaitent donner un préavis d’un à trois mois à leur employeur pour changer de structure,

- le droit à une seconde carrière au choix du professeur, et non guidée par les besoins de l’Education nationale.

 

Depuis trop longtemps, l’Education nationale s’est habituée, sans surprise, à ce que sa routine soit faite d’une affluence de candidats dans ses concours annuels de Professeurs des écoles, de Professeurs certifiés, de Professeurs de Lycée Professionnel, de Professeurs Agrégés. 

 

Avant que soit édictée l’obligation d’obtenir un Master2 et un concours sélectif, les candidats étaient nettement plus nombreux, et les ratios d’admission ravissaient les lauréats qui avaient vraiment le sentiment d’avoir réussi un exploit : devenir professeur. L’aboutissement d’un parcours universitaire de qualité, pour acquérir un niveau d’excellence dans la discipline de son choix.

 

Devenir fonctionnaire était alors le Graal : l’accès à un statut privilégié parmi les professeurs, une sécurité d’emploi bienvenue dans une société gangrenée par le chômage de masse, et notamment des jeunes.

 

Depuis le début des années 2010-2020, la donne a changé !

 

Les classes d’âge partant en retraite sont devenues plus nombreuses, et cette évolution va se poursuivre grâce au baby-boom des années 1945-1975, jusqu’en 2045.

 

Autant être clair : la pénurie de professeurs va durer 30 ans, encore.

 

Chaque année, chaque ministre et tous leurs conseillers hauts fonctionnaires devront rivaliser d’ingéniosité pour trouver ce qui pourrait bien attirer des jeunes et des salariés en reconversion, vers un métier que les politiciens de tous bords ont négligé dans leurs politiques salariales depuis le début des années 1990.

 

Les professeurs, à échelon égal en regard de cette période 1990-2023, ont perdu plus de 33,5% de pouvoir d’achat, et tout semble montrer que c’est une descente aux enfers qui s’effectue au fil de l’augmentation du Smic, et de l’incapacité structurelle d’un ministère gigantesque, de pouvoir augmenter tous les professeurs la même année.

 

 

Source du graphique;: laviemoderne.net

Depuis 30 ans, chaque nouveau ministre s’est attaché la loyauté des hauts fonctionnaires chargés de piloter cette masse enseignante d’une main de fer, en les privant :

- de leur liberté pédagogique (via leurs inspecteurs),

- de leur liberté de mobilité professionnelle (via les multiples nécessités de service opposées par les chefs de division des rectorats et Dsden),

- de leur liberté d’expression (article 1 du Code de l’Education).

 

Et les nécessités de service constituent l’arme favorite des DRH, Dasen et Recteurs, pour empêcher ceux des professeurs qui n’ont  pas d’enfants en bas âge (ceux-là obtiennent des temps partiels plus facilement, des disponibilités de droit pour élever un enfant de moins de 12 ans)de changer de voie quand ils en ont envie.

 

Depuis que nous avons créé AIDE AUX PROFS, nous n’avons eu de cesse de proposer une flexibilité tout au long de l’année aux hauts fonctionnaires des différents cabinets des ministres successifs depuis 2009 que nous avons pu rencontrer, qui l’ont tous déclinée. Même les DGRH ont balayé ce sujet.

 

Voilà ce que nous avons proposé en 2014 à Yannick TENNE, IGEN et alors Directeur de Cabinet Adjoint du Ministre George PAU-LANGEVIN, et réitéré auprès de Jean-Michel BLANQUER le 1er Juin 2019 :

 

- Une logistique de départs en cours d’année scolaire ajustée aux périodes courtes et longues des congés scolaires, les professeurs annonçant leur départ 3 mois à l’avance, et réalisant leur tuilage avec leur remplaçant pendant la période de congés la plus proche de leur demande de départ, lorsqu’ils ont été recrutés ailleurs, dans le public ou le privé, ou lorsqu’ils souhaitent quitter leur métier pour créer leur entreprise.

 

- La possibilité pour les professeurs certifiés d’accéder aux fonctions d’IA-IPR. Il n’est pas normal que seuls les agrégés aient accès à ce corps, alors que bon nombre de professeurs certifiés en hors-classe ou en classe exceptionnelle ont amplement démontré leurs compétences pédagogiques, et voient dans cette fonction une possibilité de gagner 2 à 3 fois plus.

 

- Faciliter la rotation des postes administratifs accueillant des professeurs en détachement sur des emplois qui ne peuvent pas être pourvus par concours au sein de la sphère éducative. Il subsiste actuellement plus de 3.800 postes au sein des Etablissements Publics Administratifs et des associations complémentaires de l’Etat qui en ont les moyens, pour apprendre temporairement un autre métier, et s’investir dans des fonctions passionnantes, non définitives. Alors que la politique depuis des décennies est de garder ceux qui souhaitent rester, jusqu’à leur retraite, ce qui réduit considérablement les chances de tout professeur d’accéder à ce type d’emploi. Le record dont nous avons eu connaissance en détachement a été de 37 ans au SCEREN, devenu CANOPE.  

 

- Les postes en détachement des autres ministères se comptes en dizaines de milliers, et peuvent faciliter cette création de secondes carrières qu’espèrent tant les professeurs, si leur Recteur ou leur Dasen était contraint de les laisser partir.

 

Dès lors qu’un professeur réussit à être recruté ailleurs, dans tout ministère ou toute collectivité, ce devrait être de droit. Alors que très souvent, le Recteur ou le Dasen, par l’action de ses attachés d’administration chefs de division, refuse le départ du professeur, qui n’a plus qu’à déprimer de sa frustration immense d’avoir été recruté, et d’être empêché de partir, au motif qu’il n’y a personne pour le remplacer, lui, le n°257.893 des effectifs nationaux.

 

 

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Propositions d'AIDE AUX PROFS
Proposition réalisée en mai 2014 puis Juin 2019 de logistique de mobilité entrée/sortie tout au long de l'année pour les professeurs qui souhaitent une seconde carrière, ou en reviennent
01.06.2019_PROPOSITION_LOGISTIQUE_DETACH
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Nous avons maintes fois proposé cette flexibilité pour les disponibilités pour convenances personnelles qui devraient autant être de droit que le sont les disponibilités pour suivi de conjoint ou pour élever un enfant de moins de 12 ans.

 

A partir de 10 ans d’ancienneté, le professeur a amplement montré son investissement, et devrait avoir acquis un droit à la mobilité qui ne devrait pas lui être refusé, comme c'est actuellement le cas.

 

Alors qu’actuellement et depuis la création de l’Education nationale, le professeur n’est pas libre du choix du mois de son départ vers une autre structure, qu’elle soit publique ou privé. C’est un être soumis au bon vouloir des chefs de division de son administration. Voilà ce qui bugue dans le fonctionnement de cette Gestion des Ressources Humaines au 21e siècle dans une Education nationale qui se demande « comment elle pourrait redonner de l’attractivité au métier de professeur ».

 

AIDE AUX PROFS, après avoir inspiré la création de cellules de mobilité professionnelles pour les professeurs en 2008 alors qu’elles n’existaient pas...

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19.05.2008: il faudrait créer de vraies cellules de mobilité professionnelles pour les enseignants
19 mai 2008, dans le n°595 de la Lettre de l’Education, Rémi Boyer propose de créer « de vraies cellules de mobilité professionnelles pour les enseignants »
2008_05_19_Lettre_Education_595.pdf
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...a contribué aussi à inspirer la GRH de proximité avec d’autres acteurs, en 2013, en apportant de nombreuses idées, dont plus de 80% sont actuellement mises en pratique.

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Le comité de rédaction de l'AFAE en novembre 2012 a proposé à Rémi BOYER de rédiger un chapitre qu'il a intitulé "Vouloir mettre en place une GPRH dans les EPLE, c'est ouvrir une boîte de Pandore". Paru dans le n°138 de juillet 2014 pour l'article fourni fin décembre 2013... (80% de ses idées ont été retrouvées curieusement dans le Rapport de la Cour des Comptes en mai 2013 sur la Revalorisation du Métier d'enseignant)
RB_Vouloir mettre en place une GPRH dans
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Visser les professeurs, continuer de les infantiliser dans leur désir d’autres fonctions, d’autres métiers, c’est continuer de réduire l’attractivité de leur métier

Redonner de l’attractivité au métier de professeur, dans le contexte de forts départs en retraite, de multiples métiers en tension dans le public comme dans le privé, dont le métier de professeur, c’est transformer complètement le mode de recrutement et la gestion des ressources humaines des professeurs, en acceptant leur mobilité tout au long de l’année.

La crise sanitaire a profondément changé le marché du travail, introduit le télétravail, réduit les avantages supposés du métier de professeur, et l’administration toute entière doit en tenir compte, au lieu de gérer la pénurie de professeur bon an mal an à chaque rentrée, en prenant des décisions de réductions d’heures pour telle ou telle discipline, pour arriver à placer devant chaque classe un professeur.

 

 

Tant que l’Education nationale ne crée par de flexibilité tout au long de l’année, tant qu’elle continue de bloquer le plus possible les départs, l’attractivité du métier de professeur en souffrira.

 

Les médias ont constaté depuis quelques années l’augmentation des démissions, mais ces chiffres sont complètement faussés, puisqu’ils ne publient pas le nombre réel de demandes de démissions, ni de demandes d’Indemnités de départ (appelées IDV jusqu’en 2019, puis IRC depuis, pour Ruptures Conventionnelles).

 

Nous estimons que pour 5 demandes de départ, il y a au moins 4 refus. La preuve en a été apportée par la publication des acceptations d’indemnité pour rupture conventionnelle : 24% pour le seul chiffre qui fut publié pour les 7 premiers mois de l’année 2020. Rien ne filtre depuis.

 

Tout étudiant, salarié en reconversion, intéressé par le métier de professeur, a tout intérêt à tester d’abord ce métier quelques années comme professeur contractuel, pour être bien certain que c’est ce métier qui lui conviendra, au lieu de foncer tête baissée dans un concours qui handicapera sa mobilité professionnelle en obtenant un statut sécurisé qui lui coûtera de plus en plus cher psychologiquement dans la société du plein emploi dans laquelle nous pénétrons.

 

D’ici à 2045, les effectifs qui partiront en retraite seront nettement plus nombreux que ceux qui arriveront sur le marché du travail, et beaucoup d’employeurs, voire même l’Etat, seront tentés de recruter à nouveau des immigrés, faute de salariés en nombre suffisant, de lancer des appels dans les pays francophones comme dans les années 1950-1970, pour disposer de la main d’œuvre attendue.

 

 

Les témoignages que nous publions sur notre portail DEVENIR PROF sont destinés à faire réfléchir tout un chacun

 

Ce sont des témoignages réels de professeurs de tous âges, de toutes anciennetés, de toutes disciplines, de tous niveaux, de toutes académies et départements, qui nous contactent depuis 17 ans pour exposer leurs difficultés, leurs souffrances au travail, parfois le harcèlement moral dont ils font l’objet de la part de leur hiérarchie, et toutes leurs frustrations d’être empêchés de partir.

 

Nous ne comptons plus le nombre des professeurs qui se sont vu refuser un départ en cours d’année scolaire, et même au 1er septembre !

 

Le système de Gestion des Ressources Humaines de l’Education nationale n’est pas un système habituel : le professeur n’a pas prise sur sa mobilité. Il est tenu par son statut qui le contraint. Il a perdu sa liberté de pensée, d’expression, de mobilité. Il est prisonnier de son statut.

 

Plus l’ancienneté est importante et plus le professeur se sent prisonnier, car il sait qu’un abandon de poste lui coûtera cher, en se plaçant en insuffisance professionnelle, en faute, sans percevoir d’allocations chômage de pôle emploi.

 

Celui qui obtient une disponibilité quelle qu’en soit la raison, ne peut pas percevoir d’allocation chômage, non plus.

 

Ceux des candidats au métier de professeur qui souhaitent rester maîtres de leur mobilité tout au long de l’année, et vers leur lieu géographique favoris, ont donc tout intérêt à rester contractuels. Par la motivation et leur capacité d’adaptation, ils réaliseront des parcours de carrière très variés, auprès de différents employeurs, en étant certains de gagner nettement mieux leur vie que n’importe quel professeur qui se sera satisfait d’obtenir un concours de l’enseignement pour accéder à une échelle indiciaire compressée, qui avance à l’allure d’une limace sur une carrière de plus en plus longue.

 

 

Des salaires indignes de diplômés d'un Master2, exigé depuis 2010 aux concours

 

Lorsque l’on examine l’échelle indiciaire de la majorité des professeurs en poste, professeurs des écoles et professeurs certifiés, leur salaire brut au 1er échelon est de 1.891,51 € bruts tandis que le 11e échelon de l’échelle est de 3.264,07 €, soit 72,5% de plus en 42 ans d’activité, pour plus de 80% des effectifs.

 

Les hors-classe concerneront ceux des professeurs qui auront fait toute leur carrière à l’Education nationale, pas ceux qui seront arrivés, lors d’une reconversion, au 1er échelon à l’âge de 40, 45 ou de 50 ans. Ceux entrés dès la fin de leurs études dans le métier de professeur peuvent espérer atteindre au moins (en valeur 2023) le salaire brut de 3.981,88 €, soit 110% de plus qu’en début de carrière. Mais pour la quasi-totalité des effectifs, ils n’atteindront ce salaire d’ingénieur ou de cadre d’assurance débutant, que vers leurs 50-55 ans.

 

A peine 10% de l’effectif des professeurs certifiés et des professeurs des écoles atteindra la classe exceptionnelle, avec un salaire brut de 4714,23 €, soit 149,2% de plus qu’en début de carrière.

 

Une carrière sans surprise financière, réglée comme du papier à musique, quel que soit l’effort investi, quelle que soit la discipline enseignée, quel que soit le niveau d’intervention d’enseignement, hors primes.

 

Une carrière d’un échelon à un autre, qui s’est allongée depuis la réforme des PPCR (décret n°2016-907 du 1er Juillet 2016) jusqu’à plus de 10 ans, puisque l’objectif de cette réforme était d’allonger le temps de passage du 1er échelon au 11e pour l’adapter à l’allongement des carrières au fil des réformes des retraites. Ainsi, avant 2016 il était possible à un professeur talentueux et productif, apprécié par son inspecteur, de gravir les échelons 1 à 11 en 20 ans, et depuis 2017, ce n’est plus possible qu’en 26 à 30 ans.

 

Seuls 30% des effectifs verront leur carrière se raccourcir de quelques années pour accéder plus facilement à la hors-classe. Aux échelons 6 et 8 seulement, les enseignants jugés les plus méritants peuvent obtenir 1 an de moins de passage dans l’échelon dans lequel ils sont.

 

Cette réforme a presque institué une progression à un rythme unique pour tous les professeurs.

 

La majorité des professeurs qui atteint le 11e échelon de la classe normale voit ensuite son salaire brut stagner pendant 6 ans au moins, attendant que leur hiérarchie, par un système de barème complexe, leur permette d’accéder à la hors-classe puis à la classe exceptionnelle. 

 

Le différentiel début/fin de carrière est donc faussé par ces paramètres, selon l’âge d’entrée dans le métier de professeur, et selon la durée pendant laquelle, une fois au sommet de l’échelle de classe normale, sera pris la décision de le faire monter en « hors-classe » puis en « classe exceptionnelle ».

 

Echelles indiciaires des :

- Professeurs des Ecoles 

Professeurs de Lycée professionnel 

Professeurs Certifiés

Professeurs d’Education Physique et Sportive 

Professeurs agrégés 

Professeurs de Chaire Supérieure (qui enseignent en Classes préparatoires aux Grandes écoles, et gagnent nettement mieux leur vie que tous les autres professeurs avec leur Heures supplémentaires années et leurs heures de colles) 

 

Il est aisé de réaliser ce constat surprenant dans le système de l’Education nationale : moins le professeur enseigne statutairement, plus son salaire est élevé.

 

L’Etat a préféré entretenir plusieurs grades de professeurs, par tradition historique, plutôt que d’uniformiser en un seul grade, leur rémunération. Ainsi les agrégés, grade qui leur garantissait autrefois d’être affecté en Lycée, peuvent-ils se sentir bien mieux rémunérés en enseignant en Collège qu’en lycée, beaucoup y étant affectés contre leur gré, par les mouvements de mutation aveugles et discriminants envers leurs qualifications.

 

La contrepartie est une plus grande usure professionnelle, puisqu’à l’approche des 55 ans, leur métier est devenu beaucoup plus pénible que ceux des agrégés et des certifiés qui enseignent en lycée. Moins de problèmes de discipline, et un lycée qui dure 3 ans au lieu de 4 ans pour le collège. Moins de lassitude chez les élèves.

 

Avec la Réforme des PPCR, les professeurs agrégés ont beaucoup perdu, puisque les certifiés en classe exceptionnelle peuvent désormais atteindre leur niveau de rémunération de fin de hors-classe sans avoir à obtenir leur concours élitiste.

L’Education nationale aurait voulu anéantir l’agrégation qu’elle ne s’y serait pas prise autrement. Il y a fort à parier qu’elle profite des départs massifs en retraite des agrégés dans les 20 prochaines années, pour réduire le nombre de postes aux concours pour ce grade, et progressivement ne recruter que des professeurs certifiés, et des professeurs des écoles. L’agrégation reviendra à ce qu’elle était au départ : un corps d’élite, réservé aux meilleurs lycées et aux classes préparatoires, pour un nombre très réduit d’individus. 

 

Le blog de Julien DELMAS montre très bien les micro-augmentations de ce qui fut présenté en 2016 comme une revalorisation historique. Ce qui doit te faire réfléchir, toi qui est intéressé(e) par l’exercice de ce métier. Ne deviens pas professeur pour bien gagner ta vie : ça n’arrivera pas, tu ne sentiras toujours inférieur(e) à ceux de tes amis devenus avocats, banquiers, ingénieurs, cadres dans les assurances ou dans les banques. Ton revenu mensuel sera toujours très inférieur, toute ta vie, aux cadres du privé qui ont obtenu comme toi un niveau Master2. Ton Master2 est nettement moins bien rémunéré qu’un Master2 dans la finance, les assurances, la banque, les métiers du droit.

 

Si tu deviens professeur, ce sera pour donner un sens à ta vie, pour te rendre utile auprès des jeunes, pour te passionner dans l’enseignement d’une discipline que tu auras choisie. Mais si tu rêves d’une belle maison, d’une belle voiture, de partir en voyage dans de beaux hôtels, le revenu de professeur ne te le permettra pas. Tu n'auras pas de résidence secondaire sauf grâce à ton conjoint ou par héritage, ou en gagnant au quinté ou au loto.

 

Tu feras partie de la classe moyenne, et comme il n’existe aucun régime spécial pour les professeurs à l’heure de la retraite, tu devras travailler jusqu’à 64 à 70 ans dans les mêmes conditions que toute ta carrière. 

 

Tu auras du temps pour toi, mais avec la mode du télétravail, tu te rendras vite compte que le temps du professeur, c’est celui pour concevoir ses cours, corriger ses copies, et se reposer du stress que lui auront procuré ses élèves pendant les périodes régulières de 6 à 8 semaines entre les petites périodes de congés scolaires.

 

 

Les revenus des agents administratifs ont bien plus augmenté que ceux des professeurs depuis 30 ans

 

Les politiciens ont préféré augmenter les primes des agents administratifs à tel point que les primes mensuelles d’un agent de catégorie C, niveau DNB des collèges, sont statutairement plus importantes que celles d’un professeur de catégorie A.

 

Le professeur ne s’en aperçoit pas puisqu’il est tenu dans l’ignorance de cette pratique qui consiste à lui faire comparer son échelle indiciaire à celle de l’agent de catégorie C pour lui prouver qu’il gagne bien plus que lui. Mais c’est un leurre. Un subterfuge. 

 

Le professeur est le "Cadre A" le plus mal loti du système, mais est exigé de lui le niveau d’études le plus élevé. Les politiques qui ont conduit à cela ont été suggérées par des bataillons de hauts fonctionnaires depuis 30 ans qui ont conseillé tour à tour des ministres qui majoritairement n’ont jamais enseigné dans le 1er degré ni le 2nd degré et ont tous préféré s’attacher la fidélité et la loyauté des hauts fonctionnaires facilitant la réussite de leur ministère que de s’employer à augmenter les professeurs à leur juste valeur.

 

Lorsque le professeur évolue par concours (externe ou interne) ou par passerelle (depuis 2010 en théorie, et au moins 2019 en pratique) au grade d’attaché d’administration interministériel, il découvre de plus près la réalité : recrutés niveau Licence (Bac+3), ces cadres perçoivent des primes de 1.500,00 € en début de carrière à plus de 3.000,00 € par mois en fin de carrière. Des primes fixes et variables grâce au système du RIFSEEP, qui leur fait oublier la précarité des professeurs qu’ils supervisent, et les éloigne totalement de leur vécu financier.

 

Lorsque le professeur agrégé compare l’échelle indiciaire de l’attaché d’administration et la sienne, il a le sentiment d’être mieux valorisé : c’est juste un rideau de fumée.

 

Professeur agrégé  

Attaché d’administration 

Administrateur civil  

 

Le différentiel des primes est devenu trop grand, entre tous ces hauts fonctionnaires à l’appétit insatiable de primes en tous genres, toujours plus importantes, et tous ces professeurs qui tentent d’arrondir leurs fins de mois comme ils peuvent avec des heures supplémentaires (HSA), des heures supplémentaires d’enseignement (HSE), des indemnités pour mission particulières (IMP), qui correspondent à du travail réel.

 

Alors que les primes statutaires des agents administratifs de catégories A, B et C sont versées quoi qu’il se passe, avec des primes variables qui peuvent doubler voire tripler leurs revenus mensuels en fonction de leur productivité, liée à leur abnégation totale face aux exigences de leur hiérarchie.

 

Tu vas bien mieux comprendre, en découvrant les montants de ces primes par grade, pourquoi les agents administratifs, quel que soient leur niveau dans la pyramide hiérarchique, ne font pas de vagues  et se tiennent tous entre eux par un serment de fidélité, de loyauté : le montant de leurs primes leur permet tous d’avaler de nombreuses couleuvres, d’oublier de nombreuses tracasseries. 

 

Il est difficile de trouver des documents explicites sur la diversité et le montant exact de ces primes des agents administratifs sur le web. Ces primes paraissent en catimini sur le Journal Officiel de la République Française, annexée dans des tableaux que seuls les DRH pensent à télécharger, en omettant d’en informer la masse de ceux qui s’estiment mal payés.

 

 

Voilà la liste des arrêtés d’adhésion des corps et emplois bénéficiant du RIFSEEP

 

Tu cliqueras avec attention sur chaque lien pour découvrir les montants. N’oublie pas de cliquer sur les arrêtés initiaux rappelés dans les articles 1 et 2 de chaque arrêté paru au Journal Officiel, car les mises à jour de ces arrêtés tendent à placer dans des liens profonds les montants des primes de chaque corps. 

 

Les professeurs en sont totalement exclus. 

 

Les corps qui bénéficient de primes statutaires fixes et variables sont :

 

Depuis le 01.09.2015 : 

Corps des attachés d'administration

Corps des secrétaires administratifs

Corps des adjoints administratifs

Corps des médecins de l’éducation nationale

Emploi de médecin de l’éducation nationale – conseiller technique

 

Depuis le 01.01.2016 :

Corps de l'inspection générale de l’éducation nationale

Corps de l'inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche

Emploi de directeur général des services des établissements publics à caractère scientifique culturel et professionnel

Emplois d'administrateur de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Emploi de chef de mission de l'administration centrale des ministères chargés de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Emploi de directeur de l'académie de Paris

Emploi de secrétaire général d'académie

Emploi de directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN)

Emploi de directeur du service interacadémique des examens et concours des académies de Créteil, Paris et Versailles

Emploi de chef de mission de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche

Emplois de vice-recteur

Emplois de conseiller de recteur ou de vice-recteur

Emplois de directeur de cabinet de recteur ou de vice-recteur

Emplois d'adjoint au directeur académique des services de l'éducation nationale chargé du 1er degré

Emplois de conseiller technique de recteur ou de vice-recteur pour les établissements et la vie scolaire

Emplois d'adjoint au secrétaire général d'académie

Emplois de secrétaire général de direction des services départementaux de l'éducation nationale

Emploi de directeur académique adjoint des services de l'éducation nationale

Emploi d'agent comptable d’établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel

Corps des conseillers techniques de service social et emploi de conseiller pour l'action sociale

Corps des assistants de service social

 

Depuis le 01.07.2016 :

Emploi de directeur territorial de l’établissement public Réseau Canopé

Emploi de directeur de centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS)

Emploi d'agent comptable de centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS)

Emploi de sous-directeur du centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS)

 

Depuis le 01.09.2016 :

Corps des infirmiers de catégorie A du ministère chargé de l’éducation nationale

Corps des infirmières et infirmiers de l’éducation nationale relevant de la catégorie B

 

Depuis le 01.01.2017 : (pense bien à regarder le montant des plafonds annuels)

Emplois de responsabilités supérieures (chefs de service, sous-directeurs, directeurs de projets, experts de haut niveau)

Emploi de directeur général du Réseau Canopé

Emploi de directeur de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP)

Emploi de directeur du Centre d'etudes et de recherches sur les qualifications (CEREQ)

Emploi de directeur du Centre international d'études pédagogiques (CIEP)

Emploi de président du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS)

Emploi de directeur adjoint du Réseau Canopé

Emploi de secrétaire général du Réseau Canopé

Emploi de directeur adjoint de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP)

Emploi de secrétaire général de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP)

Emploi de secrétaire général du centre d'études et de recherche sur les qualifications (CEREQ)

Emploi de directeur adjoint du Centre international d'études pédagogiques (CIEP)

Emploi de secrétaire général du Centre international d'études pédagogiques (CIEP)

Emploi de directeur général délégué du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS)

Emploi de directeur général du Centre national d'enseignement à distance (CNED)

Emploi de secrétaire général délégué du Centre national d'enseignement à distance (CNED)

 

Depuis le 01.09.2017 :

Corps des ingénieurs de recherche

Emploi de délégué régional du Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Corps des ingénieurs d'études

Corps des assistants ingénieurs

Corps des techniciens de la recherche et des techniciens de recherche et de formation

Corps des adjoints techniques de la recherche et des adjoints techniques de recherche et de formation

Corps des conservateurs généraux des bibliothèques

Corps des conservateurs des bibliothèques

Corps des bibliothécaires assistants spécialisés

Corps des bibliothécaires

Corps des magasiniers des bibliothèques

 

Depuis le 01.01.2022 : (pense à bien regarder le montant des plafonds annuels)

Corps des inspecteurs de l'éducation nationale et des inspecteurs d'académie - inspecteurs pédagogiques régionaux

 

Si tu as bien cliqué sur chaque lien, et notamment sur ceux des corps de hauts fonctionnaires, tu peux comprendre pourquoi chacun est d’une immense loyauté quoi qu’on lui demande, et pourquoi chaque cadre A, B ou C d’une des structures de l’Education nationale est uni aux autres, comme par un serment d’allégeance, synonyme de « bonnes primes » fixes et variables.

 

Chaque fonction de haut fonctionnaire de l'Education nationale est un véritable fromage. Aussi certains professeurs qui l'ont compris très vite, deviennent-ils professeurs juste 4 à 8 ans avant de devenir IEN, IA-IPR ou Chef d'Etablissement, car ils savent qu'ils éloigneront très vite des conditions précaires de leur concours initial.

 

Le professeur, lui, quel que soit son grade, est exclu du RIFSEEP. Et ses primes sont insignifiantes en regard de ce que perçoivent tous ces agents administratifs, d’inspection, de direction.

 

Les syndicats sont très discrets sur ces questions, car pour grossir la masse de leurs adhérents, ils fédèrent aussi les personnes de ces corps, dont ils défendent aussi les intérêts. Alors, dans ce mélange des genres, il leur est difficile de mécontenter les uns pour contenter les autres. Mais chacun croit que ses intérêts sont bien défendus, même si seuls ceux qui sont mal payés, font grève, et amputent un peu plus leur revenu mensuel des jours de carences qui y seront consacrés. 

 

Le professeur est initialement le plus diplômé, mais c'est le Cadre A qui sera le plus mal payé

 

Si tu examines de près les grilles indiciaires des Professeurs des Ecoles et des Professeurs certifiés, ce sont les mêmes. Alors qu’ils ne passent pas le même concours, et n’auront pas la même charge de travail. Les professeurs des Ecoles se voient souvent imposer par leur Inspecteur de l’Education Nationale, une charge de Directeur d’Ecole, qui leur prendra au moins 20h de travail par semaine, pour une prime dérisoire en regard du nombre d’heures effectuées.

 

La prime de Directeur d’Ecole est composée de l’ISS (Indemnité de Sujétions Spéciales), de la BI (Bonification Indiciaire), de la NBI (Nouvelle Bonification Indiciaire), et elles sont versées chaque mois de septembre à août. Leur valeur, depuis le 01.01.2022, est fonction du nombre de classes de l’Ecole dirigée et tu pourras en retrouver le détail ici.

 

Les primes des professeurs des écoles sont de petites primes, observe bien les montants mensuels, toujours fixes. Pas de prime variable, pas de RIFSEEP.

 

Les primes des professeurs de collège et de lycée ne sont guère plus appréciables en regard de celles servies aux personnels administratifs.

 

Toutes donnent lieu à travail effectif. Ce ne sont pas des primes statutaires versées quoi qu’il arrive.

Ce qui explique la grande différence, en matière de primes, entre les professeurs et les agents administratifs.

 

Les primes permettent pour 20% de leur montant, de bénéficier du RAFP, la Retraite Additionnelle de la Fonction Publique.

Ce système fonctionne par points, avec une valeur régulièrement ajusté de la valeur du point. C’est ce que le Gouvernement voulait en 2019 étendre aux retraites liées aux salaires, et cela aurait été très défavorable aux salariés. 

 

Le différentiel de RAFP est important entre l’agent administratif de catégorie A et le professeur : celui-ci touchera 5 à 10 fois moins de RAFP que l’agent administratif, in fine.

Le professeur est perdant, financièrement, sur tous les tableaux.

 

Avec la crise sanitaire, le professeur a perdu ses derniers et maigres avantages

 

La crise sanitaire a obligé les employeurs à recourir au télétravail, et beaucoup d’entreprises conservent ce système au moins pour leurs cadres. Les administrations ne sont pas en reste, avec des facilités de télétravail de 1 à 3 jours par semaine pour ceux qui occupent des fonctions importantes.

 

Cette facilité procure au salarié bien plus de temps que le télétravail obligé du professeur, partagé entre son horaire statutaire (25h pour les professeurs des écoles, 18h à 20h pour les professeurs certifiés et PLP selon leur discipline d’enseignement, 15h pour les agrégés) et les heures perdues dans son établissement par un emploi du temps non choisi.

Le télétravail permet au salarié d’une entreprise privée de travailler d’où il veut.

 

Certains en ont profité pour vivre sur leur lieu de vacances : c’est impossible au professeur, une fois son année de stage terminée, car les mouvements de mutation l’affecteront selon un barème complexe, sur des académies où son revenu le classera aussitôt parmi les plus précaires. Celles de Versailles, de Créteil, de Paris, qui absorbent plus de 65% des lauréats de tous les concours nationaux des professeurs des disciplines du 2nd degré.

 

Ce qui explique que les étudiants les mieux informés aient préféré passer le concours de professeur des écoles pour avoir la certitude de rester dans leur département. Et à ceux-là, nous conseillons de bien réfléchir à leur lieu de vie choisi, au lieu d’aller passer le concours dans un département où le taux de sélection semble très bas, car il leur sera long et difficile d’obtenir leur mutation. Tous les professeurs des écoles affectés dans les académies de Versailles et Créteil devront y rester a minima 15 ans avant d’espérer rejoindre leur département d’origine, ou de leur choix.

 

En apparence, le professeur a du temps. Avec la crise sanitaire, sa charge de travail a fortement augmenté puisqu’il a dû adapter son enseignement pour le réaliser à distance avec ses moyens, l’Education nationale n’ayant pas financé sa connexion internet ni son équipement informatique. 

 

C’est aussi cela la différence énorme avec un cadre du privé : le professeur a peu d’avantages sociaux, peu de primes d’équipement. Ce n’est pas avec ces 150,00 € de prime informatique depuis 2022 que le professeur achètera un bon ordinateur. 

 

Le professeur n’a pas accès à un comité d’entreprise doté, comme dans les grandes entreprises privées, de moyens lui offrant des remises importantes sur un parc de logements de vacances à bas prix, sur des séjours ou des circuits touristiques à bas prix, et n’a pas accès à des réductions importantes pour l’achat de son véhicule, ni de son équipement informatique. En Mai 2021 est née du Grenelle de l’Education une association, PREAU, qui a passé un marché avec une société qui assure aux professeurs les mêmes types de remises, 5 à 15%, qu’ils auraient pu obtenir eux-mêmes en se rendant sur le site de chacune des sociétés qui peuvent les leur proposer.

 

Les vacances du professeur sont les congés scolaires de ses élèves : 14 à 16 semaines selon qu’il travaille en école primaire, au collège ou au lycée. Mais c’est un trompe-l’œil. Un cadre du privé ou du public a quasiment autant de temps libre que lui, par le biais du télétravail depuis la crise sanitaire.

 

Le professeur exerce un métier qui ne s’arrête jamais et phagocyte sa vie personnelle et familiale

 

Il doit concevoir ses cours, qui changent au gré des réformes décidées par chaque nouveau ministre. Comme s’il était inconcevable de garder les mêmes programmes pendant plus de 5 ans, sans changer quelque chose. C’est aussi cela qui alourdit considérablement la charge de travail des professeurs. Les inspecteurs exercent sur eux une pression constante pour solliciter leur investissement sur des projets pour leurs élèves, sur des formations académiques qui ne leur apporteront que des certifications sans valeur en-dehors de l’Education nationale, leur donnant toujours plus de travail, pour un revenu quasiment identique à celui qu’ils auraient eu en se limitant juste à enseigner.

 

Le professeur passe au moins 4 semaines par an à préparer ses cours, les optimiser, toujours en recherche d’une meilleure méthode. L’inspection l’incite à faire toujours mieux, commentant sa pratique lors de rendez-vous de carrière réguliers, comme s’il était impossible qu’un professeur puisse un jour atteindre la compétence de l’expérience, la perfection. L’inspection tout au long de la carrière, pour espérer gagner une année d’ancienneté seulement à certains échelons pour grimper plus vite ses échelons d’une échelle indiciaire compressée, exerce une forme d’infantilisation du professeur. Les professeurs perfectionnistes, et ils sont nombreux, utilisent au moins 6 semaines par an pour peaufiner leurs préparations de cours. 

 

Les corrections de copies prennent 4 semaines au moins en plus des soirées et des week-ends aux professeurs. Globalement, 8 à 10 semaines par an sont consacrées au travail complémentaire du présentiel.

 

Le professeur a l’illusion de 14 à 16 semaines de congés, mais en profite moins bien qu’un salarié du privé ou du public qui obtient selon les cadres d’emplois et les régimes d’ARTT (Aménagement et Réduction du Temps de Travail), et de pénibilité, 8 à 10 semaines de réels congés, sans travail à réaliser.

 

Depuis plus de 30 ans, au fur et à mesure que les exigences de travail ont augmenté envers les professeurs, leur pouvoir d’achat a baissé

 

Le Sénat le publiait par un rapport en 2021 avant le retour d’une inflation importante.

 

Anne HIDALGO, candidate PS à l’élection présidentielle de 2022, déclarait vouloir « doubler le salaire des enseignants », tout en se ravisant peu de temps après, tellement la somme devait être importante, pour la totalité des 867.000 professeurs.

 

Cela partait d’un bon sentiment et d’une réelle reconnaissance de la dégradation du pouvoir d’achat de ceux qui ont entre leurs mains pendant leur scolarité le pouvoir d’améliorer, par leur savoir-être et leur savoir-faire, le destin de chaque jeune d’une Nation. Mais les élites de la Nation ne leur en sont pas reconnaissants. Ils oublient vite la piètre condition sociale de leurs maîtres d’école, de collège et de lycée.

 

C’est le paradoxe de notre système en France, avec le revenu d’un professeur en queue de la moyenne des pays de l’OCDE pour un niveau de recrutement très élevé. En comparant les salaires des pays frontaliers, le professeur en France gagne 1,5 à 3,5 fois moins que ses collègues de Belgique, du Luxembourg, d’Allemagne, de Suisse, pays eux aussi touchés par des pénuries de professeurs.

 

Le tableau de l’OCDE est édifiant en cela. Les professeurs de France se rapprochent peu à peu de la queue des pays où les professeurs sont les plus mal payés.

 

Lucas CHANCEL, chercheur, publie ce graphique sur Twitter le 28 janvier 2021. Le décrochage salarial continu pour les Certifiés comme pour les Agrégés en regard de l’ensemble des salariés date des années 1990-1994. 

 

C’est à partir de cette époque que la France a lâché ses professeurs, en ignorant d’un Gouvernement à l’autre, leur paupérisation. Le gel du point d’indice, et l’absence d’indexation des salaires des fonctionnaires sur l’inflation, a fait le reste, comme le montre ce graphique paru en 2014 (source : CGR-SNUIpp-Medias).

http://www.naudrh.com/article-gel-du-point-d-indices-des-fonctionnaires-infographie-124243989.html

 

Et ce graphique de 2018 sur 20 ans de perte de pouvoir d’achat des fonctionnaires, paru sur le site laviemoderne.net (https://laviemoderne.net/).

 

 

Stanislas GUERINI soulignait le 28 Juin 2022 que l’augmentation du point d’indice de 3,5% (pour une inflation annuelle de plus de 6%) qu’il a portée, comme Ministre de la Transformation et de la Fonction Publique, est la plus importante qui ait eu lieu depuis… 37 ans !

https://www.francetvinfo.fr/economie/inflation/vrai-ou-fake-la-hausse-du-point-d-indice-de-la-fonction-publique-cache-t-elle-une-perte-de-pouvoir-d-achat-pour-les-fonctionnaires_5228794.html

Ce qui revient à dire toute la durée d’une carrière d’avant la réforme de 2003 qui les allongées de 4,5 ans.

 

 

Et maintenant, le recul de l’âge légal de départ en retraite, vaste programme !

Le professeur ne bénéficie d’aucun allègement pour pénibilité en fin de carrière.  La réforme des retraites de 2010 lui a retiré cet avantage.

 

Stanislas GUERINI, Ministre de la Transformation et de la Fonction Publique, vient de sortir la possibilité du retour d’une Cessation Progressive d’Activité (CPA) qui permettrait à 2 ans de l’âge légal porté à 64 ans, d’être rémunéré 70% pour un temps statutaire de 70%, complété par 30% de pension retraite pour obtenir la rémunération de 100%. Il n’explique pas quelle pénalisation s’effectuera sur le montant de la pension versée une fois que le professeur fonctionnaire sera en retraite.

 

L’Etat change donc constamment ce qui l’arrange au détriment de ses agents. La CPA est agitée comme un hochet, un pompon, actuellement, pour inciter les syndicats à signer.

 

Mais après la réforme de 2023, si elle est votée telle quelle, la CPA restera-t-elle un droit acquis ? Permettons-nous d'en douter.

 

Rappelons aux syndicats qu’ils ont signé la réforme de 2003 qui a allongé les carrières de 4,5 ans, avec la promesse de secondes carrières pour les professeurs (cf article 77), qui n’ont toujours pas vu le jour, 20 ans plus tard.

 

Le Ministre de l’Education Nationale actuel pourra claironner que « si », puisque depuis cette année, « sacrée coïncidence de calendrier ! », les professeurs bénéficient d’un « dispositif Passerelle » leur permettant sur candidature spontanée auprès de leur académie, de devenir, après sélection, Attaché d’Administration de l’Etat, formé quelques mois dans l’un des Instituts Régionaux d’Administration (IRA). 150 postes pour les 30 académies, une misère en regard des « 500 postes par an » promis par François FILLON alors Ministre de l’Education nationale en 2005, et des « 1.000 postes par an » promis par le Premier Ministre Dominique DE VILLEPIN en 2006.

 

Des promesses qui n’engagent que ceux qui les croient vraies. Josette THEOPHILE avait créé en 2010 cette promesse de postes d’Attachés d’administration réservés à ces professeurs, mais entre 2010 et 2019, on n’en a plus entendu parler.

 

L’Etat n’a eu de cesse au fil des réformes des retraites de promettre ce qui intéressait ses agents et les salariés, tout en en réduisant la portée une fois les réformes votées. Les salariés au niveau le plus bas de sa pyramide sont toujours les dindons de la farce.

 

Ainsi l’Education nationale, malgré des carrières qui s’allongent à 42 ans actuellement, promises par la réforme de 2023 à 43 voire 44 ans, continue de retenir autant qu’elle le peut ses ressources humaines pour les empêcher d’entreprendre la seconde carrière de leur choix.

 

Les « nécessités de service » sont très nombreuses, dans toutes les académies

 

Si tu ne sais pas ce que c’est, nous te l’apprenons : la nécessité de service est la pratique de gestion des ressources humaines de tous les chefs de division des Rectorats et des Dsden, des Dasen et des Recteurs, pour t’empêcher de repartir quand tu en as envie, vers l’emploi qui te ferait envie dans tout autre ministère, toute collectivité locale (commune, département, région), toute association, toute entreprise privée, vers tout département ou commune de ton choix.

 

La nécessité de service te contraint, une fois que tu es titulaire, à te plier à ce que ton administration a décidé pour toi. Tu as perdu ta liberté de mobilité professionnelle, et tu dois te soumettre au bon vouloir de ta hiérarchie de décider le moment où tu seras autorisé à partir.

 

Un salarié du privé peut décider de rompre son contrat à tout moment de l’année, 12 mois sur 12. 

 

Un salarié du public peut, depuis la loi WOERTH du 3 août 2009, donner son préavis avec 3 mois d’avance.

 

Les fonctionnaires de tous les ministères, SAUF LES PROFESSEURS, peuvent réaliser une évolution professionnelle en cours d’année scolaire.

 

Mais l’année scolaire, en France, c’est TABOU.

 

Au professeur est refusé le droit de partir en cours d’année scolaire, alors que c’est possible pour les professeurs des pays européens voisins.

 

Jusqu’en 2006, les secondes carrières des professeurs et leurs démissions, c’était TABOU.

 

Et l’association AIDE AUX PROFS est née, le 18 juillet 2006, pour informer que tout professeur pouvait croire en une seconde carrière, en développant ses compétences, et en ayant la volonté de franchir la course d’obstacles, véritable parcours du combattant, que la hiérarchie et les services administratifs de son académie place sur sa route, pour le décourager, l’inciter à rester.

Dans une carrière appelée à durer plus de 42 ans, AIDE AUX PROFS suggère ceci pour tous les salariés

 

- Que la décote soit supprimée pour tous. Il est injuste d’avoir institué que les 5 dernières années pour obtenir son taux plein de pension, soient celles qui comptent le plus, 5% chacune, dans le taux de remplacement du salaire

 

- Que chaque salarié décide, à partir de 60 ans, de son âge de départ, en bénéficiant d’une information très claire sur les incidences financières de sa décision

 

- Que les professeurs puissent bénéficier d’une Cessation Progressive d’Activité telle qu’elle existait avant la réforme de 2010 : travailler 50% payé 80%. Les professeurs ne bénéficient d’aucun régime spécial, et lorsqu’ils partent en retraite à 62 ans, les ex-pompiers et ex-policiers sont partis entre 52 et 57 ans, et les salariés d’Orange (ex-fonctionnaires de l’ex-France Telecom) ont bénéficié d’une CPA payée 80% les deux dernières années pour qu’ils restent chez eux, avant d’obtenir leur retraite.

 

La France gagnerait à cesser d’être pingre avec les professeurs, garants de la montée en compétences de tous les enfants de sa Nation. Elle ne peut se contenter de considérer que si les enfants réussissent à pérenniser leur statut de privilégiés par la voie d’écoles privées, avec des professeurs mieux rémunérés, cela suffit. Il ne peut y avoir d’Ecole des riches et d’Ecole des classes moyennes et des pauvres.

 

Tout professeur devrait, s’il est exigé de lui un Master2, être payé à hauteur de ce Master2, indice et primes comprises.

Alors qu’actuellement, un Attaché d’Administration gagne 2 à 3 fois mieux sa vie qu’un professeur, en ayant obtenu une Licence et un concours. 

 

C’est bien beau de répéter à qui veut bien le croire que c’est « le métier le plus beau du monde » !

 

C’est l’expression préférée de ceux qui ne l’ont jamais exercé, ou ne l’exercent plus, après y être restés le moins longtemps possible pour ne pas en souffrir.

 

Oui, c’est un beau métier. Non, ce n’est pas le seul. Est-ce le plus beau ? Qu’est-ce qu’un « beau métier » ? 

 

Si c’est celui où les personnes qui l’exercent ne sont pas respectées au quotidien par leur hiérarchie et les usagers, ce métier n’est pas beau. Les témoignages de souffrances au travail que nous recevons de toutes les académies de Métropole et d’Outre-Mer sont suffisamment prégnants pour affirmer que parfois, ce métier peut devenir bien moche, décevant, frustrant, déprimant.

 

Si c’est celui d’être attentif à l’éveil de jeunes esprits qui deviendront les adultes de demain, les chercheurs, les médecins, les avocats, les ingénieurs, les découvreurs, les ouvriers, les employés, les agriculteurs, les artisans, les commerçants, alors oui, c’est un beau métier. 

 

Ce qui rend « beau » le métier de professeur, c’est d’être spectateur et acteur de la scolarité de chacun de ses élèves. C’est avoir le sentiment de pouvoir faciliter les progrès de chacun. C’est espérer changer la fatalité de l’intelligence innée, c’est espérer pouvoir agir, ça et là, pour changer le destin d’un enfant, d’un jeune, d’un adolescent, quel que soit son mode d’éducation, quels que soient la nature humaine et le tempérament de ses parents, quel que soit sa condition sociale, avec une autre méthode que le professeur précédent, pour révéler ses capacités, son intelligence, susciter en lui de la volonté de réussir mieux que précédemment.

 

C’est devenir peut-être l’être humain qui aura su révéler le talent de l’enfant, et l’encourager. C’est avoir marqué des consciences depuis la Maternelle jusqu’à l’âge adulte. 

 

Ce qui rend « beau » le métier de professeur est juste l’idée que tu t’en feras, et la manière dont tu le vivras, en classe jour après jour, année après année, si tu deviens professeur. Ce que tu y vivras, au fil des réactions de tes élèves, qui, un jour, peut-être, reviendront te voir ou t’enverront un petit bonjour reconnaissant par Linkedin, Facebook, Instagram, ou Tik-Tok, s’ils existent toujours quand ils parviendront, adultes, sur le marché du travail.

 

Mais si ton objectif est juste de gagner de l’argent, et de vouloir en gagner toujours plus, passe ton chemin : la France n’a pas encore décidé d’investir dans la rémunération de ses professeurs, à leur juste valeur et niveau d’études. Elle leur saupoudre de temps en temps des micro-augmentations, et leur pouvoir d’achat se dégrade depuis près de 30 ans.

 

Pour conclure, AIDE AUX PROFS te conseille la lecture de "Finir prof. Peut-on se réconcilier avec le collège ?", le dernier ouvrage de Mara GOYET, qui décrit tout le bonheur qu'elle éprouve encore, au bout de 25 ans d'enseignement, à enseigner.

 

Comme elle est en classe exceptionnelle de Professeur Certifiée, elle limite ses critiques du système, ce serait mal venu. Mais elle t'explique d'une manière très littéraire son métier exaltant de professeur d'histoire-géographie, avec le recul de l'expérience, et toutes les libertés qu'elle peut se permettre d'adopter, maintenant qu'elle est au sommet de son échelle indiciaire, donc plus inspectable.

 

Elle a cessé de craindre l'inspecteur potentiel qui aurait pu lui reprocher sa créativité, sa trop grande liberté pédagogique, en regard des programmes et des injonctions officielles.

 

Elle donne à lire une vraie leçon à tous les hauts fonctionnaires qui liront son ouvrage: les professeurs ont besoin qu'on leur fasse confiance, qu'on leur redonne la liberté pédagogique qui leur a été progressivement retirée depuis l'an 2000. Depuis qu'un Ministre de l'Education nationale les a déconsidérés dans l'opinion en pointant leur absentéisme.

 

FINIR PROF

 


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