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Anne-Laure, de Professeur de Lettres Modernes à Comédienne et Co-Directrice artistique


Anne-Laure, de Professeur de Lettres Modernes à comédienne dans la troupe « Scarlett fait une robe de ses rideaux », et Co-directrice artistique du « Petit Colossal Théâtre » et intervenante Théâtre en entreprise.

 

Interview de Rémi BOYER pour AIDE AUX PROFS

 

Qu’est-ce qui vous a motivée pour devenir enseignante en Lettres Modernes, et quel plaisir avez-vous eu à exercer cette profession pendant 20 ans ?

 

Ma mère était enseignante, directrice d’école, très impliquée et passionnée par l’éducation des plus jeunes ; mon père, journaliste, militait au foyer laïque, mon frère aîné est professeur des écoles, bref, je viens d’un environnement où l’Éducation Nationale occupait et occupe bien des conversations ! Enfant, j’ai apprécié d’avoir une mère disponible pendant les vacances scolaires. Au moment de mon choix d’études, devenir enseignante m’a semblé une voie idéale pour combiner mon désir de transmettre et de me rendre utile et le besoin d’avoir du temps pour mes futurs enfants.

 

J’ai enseigné plusieurs années dans des zones difficiles et je me sentais investie d’une mission. Il y a deux mois, l’un de mes anciens élèves de Garges-lès-Gonesse, maintenant âgé d’une trentaine d’années et occupant un poste important dans une grosse entreprise m’a téléphoné pour me dire « merci ». Il est resté en contact avec l’un de mes anciens collègues, toujours dans l’établissement, et va régulièrement rencontrer les élèves pour leur parler de son parcours et leur montrer que ce que l’école lui a donné, ils peuvent le recevoir. Ces retrouvailles ont été un moment fort !

 

Mes plus grandes joies sont venues de mes élèves. Je repense à celui qui a affirmé enfin aimer le français mais aussi aux petites victoires, aux absentéistes qui reviennent et font ce qu’ils peuvent, aux timides qui osent prendre la parole, et surtout aux élèves dont les moyennes en maths et français sont peu glorieuses mais qui révèlent des qualités précieuses d’entraide et de créativité lors des projets...théâtre ! C’est l’enseignement qui m’a conduite à me former et à développer mes compétences dans ce domaine ! Après plusieurs années en collège, où j’ai monté de nombreux projets de classes à PAC, en partenariat avec la Comédie Française et le Grand Colossal Théâtre, j’ai passé la certification complémentaire et j’ai enseigné deux ans en lycée, en option facultative et en spécialité théâtre.

 

En 2016 vous contactez Aide aux Profs, pourquoi ? 

 

En 2015, je commence à réfléchir sérieusement à une reconversion. Même si je ne me sens pas en très grande souffrance, je lis l’ouvrage de Rémi Boyer et J-M Horenstein Souffrir d’enseigner...faut-il rester ou partir. Je découvre grâce à « Aide aux Profs » des synthèses et des schémas qui mettent en lumière les compétences multiples des enseignants qui peuvent leur servir dans bien d’autres métiers. Pour la première fois depuis ma réussite au concours, je me projette dans un autre parcours... « Aide aux profs » m’a également apporté un éclairage sur les modalités administratives de mes demandes (temps partiel et autorisation d’activité complémentaire ou cumul d’activités) et sur le statut à adopter (auto-entrepreneur). Et en 2016, je me suis lancée, d’abord à temps partiel.

 

Vous avez créé l’association « Le Petit Colossal Théâtre » avec Laure GRANDJEAN, professeur comme vous : quels étaient vos objectifs et comment se déroule depuis cette aventure ? 

 

En juillet 2015, Laure et moi participons à un stage organisé par l’ANRAT (association nationale de recherche et d’action théâtrale) pendant le festival d’Avignon. C’est une rencontre déterminante, un partenariat fructueux qui débute alors. A deux, nous nous sentons assez fortes pour oser emprunter de nouvelles voies. Nous décidons de monter ensemble l’association « Le Petit Colossal Théâtre » car nous avons l’une comme l’autre des élèves qui sont passés par nos classes-théâtre et qui veulent poursuivre. Notre idée est de permettre à ces jeunes d’expérimenter la vie d’une véritable troupe, de créer, jouer partout, y compris dans des lieux non dédiés (hôpitaux, maisons de retraite, et même supermarchés !). Nous participons à des festivals, en salle, en rue, nous avons même créé le nôtre, dans le village de la famille de Laure : Agel, dans l’Hérault. Trois éditions ont eu lieu avant que la crise sanitaire ne vienne y mettre un frein. Le collectif a pour maître mot l’engagement : engagement citoyen pour faire partager la passion de l’écriture et du jeu, et pour délivrer des messages forts, en montant des pièces des répertoires classique et contemporain ou en écrivant à partir des improvisations au plateau. Nos pièces ont été primées plusieurs fois lors du festival organisé par la MPAA : Eclair’Cies. Ce sont des moments forts ! Nous avons depuis quelques années un partenariat avec le Théâtre Douze et nous y organisons des cabarets sur des thématiques variées : l’orientation, la norme, l’utopie...Chaque année, des jeunes nous rejoignent, d’autres s’en vont vers d’autres horizons, les plus grands accueillent les plus jeunes, nous n’avons pas de groupes d’âge ou de niveau mais des groupes par projets. Nous sommes une troupe et les jeunes participent activement à la vie de l’association, notamment pour certains en siégeant au conseil d’administration.

 

https://www.facebook.com/petitcotheatre

http://www.petitcolossal.com/

 

En janvier 2020, vous avez joué dans Rien ne se perd (Papé s’envole), pièce que vous avez écrite et mise en scène : pouvez-vous nous en dire plus et nous expliquer les difficultés de produire un tel spectacle en pleine période Covid ?

 

Il s’agit d’une pièce que j’ai écrite à la suite du décès de mon père, j’aime la présenter comme une « fantaisie colorée sur la folie, les addictions et le deuil ». C’est en revenant du festival d’Avignon en 2015 que la pièce a comme « jailli » de moi et de fil en aiguille, une distribution s’est imposée et un groupe professionnel s’est dessiné avec certains de nos jeunes qui poursuivent des études d’art dramatique ou de gestion de projet culturel. Des comédiens plus âgés se sont joints à nous. La compagnie « Scarlett fait une robe de ses rideaux » était née ! Nous avons créé la pièce en janvier 2020, nous devions rejouer en avril mais le confinement en a décidé autrement. Et le report en novembre 2020 a connu le même sort avec le deuxième confinement. La cascade de reports décale toutes les programmations et désormais, c’est mars 2022 que nous avons comme perspective. Ce qui est difficile, c’est de rester mobilisés pour répéter quand nous sommes arrêtés à chaque élan, c’est une grande claque qui nous assomme à chaque fois. Mais nous nous relevons et les troupes professionnelles ayant l’autorisation de répéter, nous reprenons le chemin des planches ! Nous avons pu jouer, en extérieur, notre autre création, la pièce écrite et mise en scène par Laure Grandjean Utopia ou les somnambules du monde qui va, lors des festivals des Nocturbaines et des Murs à pêches en août et septembre 2020, nous nous estimons donc chanceux malgré tout !

 

Site web 

Facebook : Cie Scarlett fait une robe de ses rideaux 

Instagram : Compagnie_Scarlett

Youtube : Cie Scarlett fait une robe de ses rideaux 

 

Avez-vous développé d’autres projets en parallèle ? 

 

Je suis auto-entrepreneur depuis 2016, en effet. J’ai commencé par demander un temps partiel puis une disponibilité que j’ai obtenue en septembre 2019, juste avant la crise sanitaire ! Elle a été reconduite et je m’y tiens pour le moment. Je développe depuis septembre 2020 une activité de Théâtre en entreprise qui me plaît également beaucoup, en partenariat avec des consultants et coachs.

 

Et maintenant, comment envisagez-vous l’avenir professionnellement ?

 

J’avance en marchant ! Un pas après l’autre. J’ai aussi été embauchée par le Théâtre de la Ville en tant que comédienne-intervenante en école primaire, je garde ainsi un pied dans le travail éducatif avec les plus jeunes en ne faisant que ce qui me motive le plus : faire découvrir un art qui me semble essentiel, travailler le sens du collectif et la créativité de chacun. Mais mon ambition est de faire grandir les projets de « Scarlett fait une robe de ses rideaux », de poursuivre la route avec le « Petit Colossal Théâtre » et de continuer à travailler en entreprise. Ces diverses activités répondent à différentes facettes de ma personnalité et de mon appétit. Pour la première fois depuis bien longtemps, malgré les incertitudes, je me sens vraiment à ma place.

 

Que diriez-vous à un étudiant qui hésite à devenir professeur en 2021 ? Comment le convaincre ?

 

Donne un peu, tu recevras beaucoup (mais je ne parle pas de reconnaissance économique ou sociale, il faut être honnête...) ! Et si un jour tu le souhaites, tu pourras toujours t’envoler ...

 


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